Journal de bord en Arménie 🇦🇲
Si tu t'en souviens, notre projet est de rejoindre la Chine sans avion. Après 8 mois sur les routes et 2 mois en Géorgie, nos pas nous amènent tout naturellement en Arménie.
Les récents conflits nous ont fait hésiter. Nous discutons, beaucoup, écoutons les avis des voyageurs qui nous précèdent et décidons de traverser le pays du nord au sud.
Ă€ nous le pays du duduk, des abricots (mĂŞme si ce n'est pas la saison), de Charles Aznavour et des monts Ararat et Aragats !
🌍 | Journal de bord de notre voyage sans avion
🚀 | Sur la route depuis février 2022
đź“Ť | France 🇫🇷 → Italie 🇮🇹 → Croatie đź‡đź‡· → MontĂ©nĂ©gro 🇲🇪 → Albanie 🇦🇱 → Grèce 🇬🇷 → MacĂ©doine du Nord 🇲🇰 → Kosovo 🇽🇰 → Serbie 🇷🇸 → Bulgarie 🇧🇬 → Turquie 🇹🇷 → GĂ©orgie 🇬🇪 → ArmĂ©nie 🇦🇲 → Iran 🇮🇷 → Turquie 🇹🇷 → Liban 🇱🇧 → Syrie 🇸🇾 → Jordanie 🇯🇴 → Arabie Saoudite 🇸🇦 → Émirats Arabes Unis 🇦🇪
~ ~ ~ ~ ~ ~
Jours 236 à 239 🇬🇪 - Gyumri, une jolie surprise
De Vardzia, Géorgie à Gyumri, Arménie le 27 septembre 2022
Nous quittons Vardzia à l'aube. Comme il n'existe pas de bus direct pour passer la frontière, nous préférons anticiper. Un premier marshrutka nous dépose sur la route principale à la sortie de la vallée, un second nous amène à Ninotsminda vers 10h du matin. Nous comptons ensuite faire de l'auto-stop puisqu'il n'existe aucun transport en commun pour aller plus loin.
Sauf qu'une fois arrivés à Akhalkalaki, la ville qui précède Ninotsminda, et alors qu'on est toujours bien installés dans le fond du bus, un homme monte, nous observe et nous interpelle avec le sourire.
« You want to go to Armenia? Yerevan? Gyumri? »
Nous déclinons une première fois sa proposition en comprenant qu'il s'agit d'un chauffeur de taxi. Il insiste. Après de longues minutes de discussion, nous négocions un tarif plus que correct et acceptons de faire la route avec lui.
C'est ainsi que nous montons à bord de notre tout premier taxi partagé du voyage. Et quelle expérience ! Nous commençons par attendre que d'autres passagers se joignent à nous. Une heure plus tard, nous partons enfin. Sauf qu'au lieu de nous rendre directement en Arménie, le conducteur nous fait faire deux fois le tour de la ville pour prendre des épices chez l'un, des colis chez l'autre, de l'essence et, pour finir, récupérer le troisième passager au bout d'une route cabossée.
Il est arménien, comme notre chauffeur d'ailleurs. Tous deux sont assez fiers et contents de partager la voiture avec deux français. Joe Dassin d'abord puis Charles Aznavour, le trajet se fait en musique et au milieu de paysages extraordinaires.
Après un passage de frontière seuls au monde, nous arrivons en Arménie plus tôt que prévu. L'excitation nous gagne. En moins d'une heure nous rejoignons Gyumri, à moins de dix kilomètres de la Turquie. Notre première vision ? Une statue gigantesque de Charles Aznavour qui trône en plein milieu du rond-point de l'avenue principale. Le ton est donné.
Gyumri, Arménie le 28 septembre 2022
Pour la première fois depuis deux mois, nous avons un appartement entier rien que pour nous. Pas d'horaire, pas de bruit. Ça fait du bien !
En début d'après-midi, nous sortons découvrir Gyumri. Avec plus de 120 000 habitants, il s'agit de la deuxième plus grande ville du pays. Elle changea plusieurs fois de nom. Elle fut rebaptisée Alexandropol sous l'Empire russe, puis appelée Léninakan durant la période soviétique. C'est après l'indépendance de l'Arménie en 1991 qu'elle reprend le nom de Gyumri. Le 7 décembre 1988, la ville fut détruite à 60% par un séisme de magnitude 6,9 sur l'échelle de Richter. Cette importante catastrophe naturelle a laissé des traces, encore visibles trente-quatre ans après.
Dès nos premiers pas, nous remarquons que la ville a deux facettes. Celle très soviétique des énormes avenues rectilignes et des grands bâtiments imposants comme sa gare, et à l'inverse le centre-ville plus ancien, majoritairement piéton et composé de petites maisons. Les deux facettes apportent un charme certain à la ville. Gyumri nous fait d'ailleurs immédiatement penser à Kars en Turquie. En même temps, c'est vrai qu'on n'en est pas très loin à vol d'oiseau.
Nous nous rendons près de l'église Saint-Sauveur, reconstruite suite au séisme. Ses pierres noires la rendent belle, grande mais surtout saisissante. En faisant le tour, nous découvrons à son pied son ancienne coupole et un mémorial dédié aux victimes du séisme. D'autres touristes sont de sortie et il faut dire que c'est assez perturbant d'entendre parler français autour de nous.
Nous dépassons ensuite le centre-ville jusqu'à la Sentinelle Noire, Sev Ghul. Il s'agit d'une forteresse impériale russe construite en réponse à la guerre russo-turque de 1828-29. Le bâtiment est très particulier : large, mais pas très haut, sombre et circulaire. Sauf que l'intérieur ressemble désormais davantage à un opéra ou à un cirque qu'à une forteresse militaire.
De là haut, la vue est incroyable avec le mont Aragats en toile de fond qui culmine à 4090 mètres d'altitude. Juste à côté, nous observons une gigantesque statue de la mère de l'Arménie qui surplombe un joli parc. Nous nous y posons de longues minutes.
Sur le chemin du retour, nous achetons des bières locales et de quoi préparer un petit apéro dinatoire. C'est qu'on a quelque chose à fêter demain ! 🥳
Gyumri, Arménie le 29 septembre 2022 🎂
Adrien a 31 ans aujourd'hui. Son souhait ? Manger un shawarma ! J'épluche donc Google Maps de long en large et en travers pour trouver le mieux référencé de la ville.
Nous empruntons au passage la longue allée qui mène à la statue de Charles Aznavour. C'est assez étrange de le voir érigé en héros. Nous approchons peu après de l'ancienne université, détruite elle aussi lors du tremblement de terre de 1988. Il ne reste désormais plus que quelques bâtiments en ruine. Cependant son entrée est gardée par une étonnante oeuvre d'art soviétique : la fontaine de fer.
Le soir venu, nous nous rendons dans un restaurant traditionnel arménien, le Gwoog Gastrohouse. Nous ne pouvions pas passer à côté, l'ambiance est familiale et conviviale.
Après avoir pris une bière de Gyumri et des dolmas (des feuilles de vigne fourrées de boeuf et de riz), nous optons pour une soupe d'haricots rouges et de pâtes maison.
Le plat, un panrkash de la région de Shirak, est un peu plus surprenant. Il s'agit d'un délicieux mélange de fromage fondu, d'oignons et de lavash (une fine galette de blé moelleuse). Nous ne regrettons pas d'en avoir pris un pour deux tellement il est consistant.
Pour finir, nous commandons des pâtisseries arméniennes et arrosons le tout de vodka à la prune.
Jours 239 à 243 🇬🇪 - Erevan, la plus européenne des capitales
De Gyumri à Erevan, Arménie le 30 septembre 2022
Aujourd'hui, nous retrouvons notre moyen de transport préféré : le train. Plus long, mais moins cher. Nous avons sauté sur l'occasion en apprenant l'existence d'une ligne reliant Gyumri et Erevan. Après des dizaines de dolmus turcs et de marshrutkas géorgiens plus inconfortables les uns que les autres, nous prenons place à bord aux alentours de 11h.
Le train se remplit vite. Un papy et une mamie s'installent face à nous. C'est parti ! La mamie sort de son sac deux livres remplis de mots croisés. Ils les occuperont une bonne partie du trajet. De notre côté, nous admirons les paysages du haut plateau arménien qui défilent, entre lacs, canyons et collines.
En inspectant un peu mieux l'itinéraire, nous remarquons que nous venons de passer non loin de là où nous nous trouvions près de deux mois auparavant. 60 jours pour faire 10 kilomètres, on est vraiment rapides !
3 heures passent quand soudain, au détour d'un long virage, nous apercevons la silhouette du mont Ararat se détacher sur l'horizon. Nous sommes enfin au pied de ce volcan mythique, au sommet recouvert de neiges éternelles. Selon la légende, l'arche de Noé s'y serait échoué. Symbole de l'Arménie, il se situe pourtant sur le territoire actuel de la Turquie.
De la gare centrale d'Erevan, nous rejoignons facilement notre auberge de jeunesse dans le centre via un métro assez efficace aux drôles de jetons en plastique orange. Cafés, places arborées et fontaines, la ville nous surprend immédiatement de par son caractère très européen. Notre séjour ici s'annonce très agréable.
Erevan, Arménie le 1er octobre 2022
Notre copain Frieder du Gipsy village nous retrouve de bon matin au pied de notre auberge. Un peu fou, il est arrivé la veille et a décidé de dormir dans son hamac aux portes de la capitale. Il faut dire qu'Erevan est plutôt surbookée ce week-end. De nombreux Russes fuyant leur pays y ont trouvé refuge. En conséquence, les hébergements sont rares et très chers.
Après avoir déposé ses affaires dans notre chambre, nous prenons la direction de Vernissage. Dédié à l'art et à l'artisanat, ce marché aux puces en plein-air au doux nom français est une vraie caverne d'Ali Baba. Tapis traditionnels aux couleurs de l'Orient, jeux d'échecs finement travaillés, pics à brochettes par dizaines, boucles d'oreille, couteaux, livres, il y en a pour tous les goûts.
Notre intérêt porte tout particulièrement sur le duduk, un instrument de musique proche de la clarinette et originaire du Caucase. Frieder est venu spécialement à Erevan pour en acheter un. Nous n'en avions jamais entendu parler et pourtant il est l'un des symboles de la musique arménienne. Fabriqué en bois d'abricot, il serait l'un des plus anciens instruments de musique à vent du monde. Nous découvrons son son particulier à travers les dédales du marché.
Nous poursuivons notre balade vers un autre marché, alimentaire cette fois-ci, le Gum Market. Fruits secs, lavash (pain) d'une longueur incroyable, et produits de la région, nous faisons vite le tour de ce marché un peu trop touristique à notre goût. Nous lui préférons ses alentours, moins organisés, mais plus authentiques. Nous dégustons un lavash-épinard-coriandre sur le pouce qui ressemble beaucoup aux gozleme turcs, avant de revenir dans le centre.
Le coeur de ville est très européen. Nous retrouvons des enseignes que nous connaissons fort bien et déambulons entre les nombreuses terrasses ensoleillées et bondées. Il fait bon vivre à Erevan.
Le soir venu, nous poussons la porte d'un pub irlandais en sous-sol. L'occasion est toute trouvée de boire une bonne bière pression. Plus tard, nous nous installons tous les trois à la table d'un restaurant traditionnel arménien, connu pour ses chants et sa musique. Un groupe est présent sur scène et se met à jouer peu de temps après notre arrivée. Nous retrouvons à nouveau le duduk mais aussi d'autres instruments assez étranges. Nous nous laissons envoûter par la musique et les chants à la touche médiévale.
Une fois la soirée bien installée, nous nous posons place de la République à côté de la fontaine. Nous profitons de nos dernières heures avec notre ami allemand à refaire le monde.
Erevan, Arménie le 02 octobre 2022
Ce matin, nous faisons nos sacs. Nous ne changeons pas de ville, seulement de logement. Nous quittons l'auberge de jeunesse pour nous rendre dans une maison d'hĂ´tes Ă une quinzaine de minutes Ă pied.
Suivant les conseils de notre nouvelle hôte, nous nous rendons à Cascade. Construit dans les années 1970, ce monument est composé à l'extérieur de jardins en terrasse et d'un large escalier de 572 marches. À l'intérieur, une série d'escalators et d'ascenseurs permet d'atteindre facilement le sommet, tout en admirant de nombreuses oeuvres artistiques.
Pour la petite histoire, cet impressionnant escalier devait permettre de se déplacer du centre de la ville vers une esplanade où se dresse un monument célébrant le 50ème anniversaire de l'Arménie soviétique. Les travaux sont ralentis après le séisme du 7 décembre 1988, puis arrêtés après la chute de l'URSS en 1991. Cascade fait alors 78 mètres de haut et n'est pas directement relié à l'esplanade. Dans les années 1990, l'endroit devient peu à peu un lieu de spectacles et de rassemblements. En avril 2002, sa privatisation entraîne le début de la construction d'un centre d'art contemporain du nom de son propriétaire Richard Cafesjian.
Tantôt à l'intérieur, tantôt à l'extérieur, nous découvrons avec étonnement les différents paliers. Statues incroyables, fontaines art déco, on se laisse surprendre par le lieu et son architecture remarquable. Nous nous asseyons sur un côté, non loin du sommet, afin d'assister à un très beau coucher de soleil. La vue est sans pareille sur la ville en premier plan et le mont Ararat en fond.
Une belle fin de journée.
Erevan, Arménie le 03 octobre 2022
Lundi matin. Levés de bon pied, nous nous mettons en marche en direction de l'extérieur de la ville. Notre objectif est de nous rendre au mémorial aux victimes du génocide arménien. En consultant l'itinéraire, nous nous rendons compte qu'il est possible de passer par la mosquée bleue.
Nous la repérons facilement au milieu des immeubles soviétiques, grâce à son immanquable dôme persan. Il nous donne un avant-goût d'Iran et nous donne envie de visiter tout le bâtiment. Néanmoins, en nous approchant, nous trouvons porte close. Nous insistons et remarquons que l'entrée se situe en fait du côté du boulevard principal. Les lieux se composent d'une grande cour arborée, entourée par plusieurs bâtiments en brique caractéristiques, d'un haut minaret et de la fameuse mosquée au dôme richement décoré. Il y a nettement moins de bruit que dans l'avenue. Que c'est agréable de se promener dans ce petit havre de paix !
L'arrivée vers le mémorial est bien plus ardue que nous ne le pensions. Situé en périphérie de la capitale arménienne, l'accès piéton est quai-inexistant. Les environs semblent désaffectés et il n'y a pas grand monde autour. Nous trouvons par chance un petit supermarché ouvert afin de préparer notre repas du midi à base de pain, de concombre et de fromage. Lors de la montée finale sur une pente à 20%, nous prenons conscience que nous sommes lundi. Habitués à ce que tout soit ouvert tout le temps depuis plusieurs mois, nous commençons à douter de notre entreprise ici en Arménie. Cette impression se confirme en arrivant au pied du musée. Fermé le lundi.
Le mémorial et le parc sont cependant ouverts et nous permettent de prendre un peu conscience des horreurs qui ont été commises il y a environ cent ans. L'histoire est complexe et nous ne sommes pas sûrs de pouvoir la résumer simplement. Nous t'invitons plutôt à te renseigner plus en détail sur le génocide arménien.
Changement d'itinéraire sur le retour. Sur les conseils de Frieder, nous décidons de revenir à l'appartement en passant par la children railway, une « gare des enfants ». Derrière ce nom se cache un établissement où les jeunes pouvaient apprendre les métiers du chemin de fer. Ce phénomène est né à Moscou et s'est fortement développé dans tout l'URSS durant l'époque soviétique.
Celle d'Erevan fut construite en 1937 dans le creux de la vallée de la Hrazdan, qui est elle-même une curiosité avec son club de sport en plein-air et ses sources d'eau. Nous découvrons des voies de chemin de fer sur lesquelles se trouvent encore quelques wagons et locomotives, ainsi qu'une gare entourée par la végétation. Tout semble abandonné depuis longtemps. Plus haut, nous entrons dans un parc d'attraction, lui aussi à l'arrêt. Les lieux sont assez étranges, nous comprenons désormais mieux pourquoi notre ami Frieder n'avait pas dormi sur ses deux oreilles par ici.
Sur le retour, nous empruntons un long tunnel piéton qui nous amène tout droit dans le centre-ville. Nous retrouvons les cafés et l'ambiance européenne de la capitale arménienne.
Erevan, Arménie le 04 octobre 2022
Aujourd'hui c'est notre dernier jour à Erevan, mais aussi en Arménie. Suite aux conflits récents, nous optons pour la sécurité et décidons, à regret, de ne pas explorer le sud du pays.
Qui dit dernier jour en Arménie, dit arrivée imminente en Iran. Nous sommes très excités à l'idée d'enfin nous rendre dans ce pays qui nous fait rêver depuis toujours.
Notre programme du jour est simple : la quête d'un habit couvrant pour moi. Nous enchaînons les boutiques et trouvons, après pas mal de recherches, une chemise parfaitement adaptée à la mode iranienne.
Nos sacs à dos bouclés, il ne nous reste plus qu'à profiter de notre dernière soirée dans la capitale arménienne autour d'une bonne bière.
~ ~ ~ ~ ~ ~
Merci d'avoir lu jusqu'au bout ❤️
Notre séjour en Arménie touche déjà à sa fin. La bonne nouvelle, c'est que notre arrivée en Iran est imminente. Comme toujours, nous te racontons notre périple au jour le jour dans notre journal de bord en Iran. À tout de suite !
Plus qu'un blog voyage, nous partageons nos péripéties au fur et à mesure de notre aventure comme on les vit, avec passion et sincérité. Si tu veux nous adresser quelques mots, tu peux nous contacter sur nos pages Instagram : Clémence et Adrien.