Journal de bord en Grèce 🇬🇷 : le tour du Péloponnèse
C'est à la faveur du printemps que nous effectuons nos premiers pas en Grèce. Un sentiment étrange nous gagne au moment de laisser l'Albanie derrière nous. Ce pays fut un véritable coup de coeur, mais le voyage nous appelle. Nouvelle langue, nouvel alphabet et des lieux plus emblématiques les uns que les autres. Καλώς ήρθατε στην Ελλάδα!
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Jours 69 à 71 🇬🇷 - Un air de vacances à Kalamata
Kalamata, Grèce du 13 au 15 avril 2022
Plusieurs routes sont possibles pour rejoindre Kalamata, notre premier point de chute, au sud du Péloponnèse. Nous optons pour l'autoroute afin de ne pas passer la journée en voiture.
Au bout d'une heure, nous arrivons à notre première étape, le canal de Corinthe. Sous un vent soutenu, nous nous laissons surprendre par cette énorme voie d'eau artificielle qui a été creusée à travers l'isthme de Corinthe afin de relier la mer Ionienne et la mer Égée. La vue depuis le pont est renversante et nous sommes comme happés par le vide. Nous nous posons aux abords pour un petit pique-nique improvisé. Nous ne nous attardons pas trop, car hormis le canal, les alentours ne sont pas folichons.
Notre route reprend à travers les champs d'oliviers. Ça monte, ça descend, les montagnes sont partout autour de nous. Nous arrivons dans la grande ville de Kalamata en fin d'après-midi. Choix qui s'avérera stratégique pour la suite du voyage.
Une fois nos affaires installées dans notre logement du jour, nous sortons prendre le pouls de la ville qui est une station balnéaire assez classique, animée l'été et endormie le reste du temps. La longue promenade bordée de bars et de restaurants, quasiment vides hors saison, est assez agréable. Quelques nuages sont fixés sur les montagnes environnantes, ce qui n'empêche pas le soleil de baigner toute la ville d'une lumière douce et dorée.
Cependant, un lieu particulier retient notre attention. Il s'agit du Municipal Railway Park. Derrière ce nom se cache probablement un des parcs les plus atypiques que nous avons vu. Il s'agit d'un véritable musée à ciel ouvert.
Une fois les barrières franchies, nous entrons dans l'ancienne gare de Kalamata. Sur de vieux rails, recouverts à moitié d'herbes et d'arbres, se trouvent de superbes locomotives à diesel et à charbon, des voitures de voyageurs et des wagons de marchandises. Le matériel roulant, fourni par la Hellenic Railways Organisation, est bien sûr parfaitement entretenu, tout comme les bâtiments et les quais de la gare. L'endroit semble prisé des locaux puisque des dizaines d'enfants s'amusent tout autour de nous. D'autres, plus vieux, profitent de tout cet espace pour courir ou faire du vélo. Nous prenons du plaisir à aller de surprise en surprise au gré des trains. Clémence se prend même pour une chef de bord en explorant la machinerie d'une locomotive à charbon rouge et noire.
Le tour du Péloponnèse est lancé !
Pylos, Grèce le 14 avril 2022
Qui dit Péloponnèse dit combo quasi-permanent entre mer, montagnes, plages de sable fin, oliviers, orangers et histoire évidemment ! Sais-tu qu'aucun point de la Grèce n'est éloigné de plus de 100 kilomètres de la mer ?
Aujourd'hui, nous empruntons la route 82 entre Kalamata et Pylos. Un peu avant Pylos, nous prenons l'embranchement plus au nord pour rejoindre la baie de Navarin. Nous laissons la voiture au parking Divar beach. La plage, un très long banc de sable fin, y est magnifique. On se sent presque seuls au monde. Quelques camping car, cachés ça et là entre les dunes, nous ramènent à la réalité en nous apportant un peu de présence humaine. Nous laissons la baignade pour plus tard et entamons la montée jusqu'au château abandonné en hauteur. La flore printanière et avec elle le bourdonnement des abeilles et le chant des oiseaux nous encerclent de toute part pour notre plus grand bonheur. Seul un minuscule chemin est visible, que nous empruntons à la queue leu leu.
Arrivés pratiquement au sommet, une « porte » nous fait face, nous indiquant l'entrée de la forteresse. L'intérieur ressemble à la forêt amazonienne, la végétation nous barre l'accès à la cour du château. Nous progressons donc, comme le chemin le laisse supposer, sur les remparts eux-mêmes. La vue à 360 degrés sur la mer et les plages des alentours ne nous laisse pas indifférents. Nous distinguons des îles plus ou moins proches où quelques voiliers sont amarrés.
Nous parcourons ensuite les derniers mètres afin de laisser la baie de Navarin derrière nous. La plage de Voidokilia nous fait alors face. Tel un champignon gigantesque, sa forme particulière nous éblouit. Entre sable fin, dunes et eau aux couleurs bleutées parfaites, le point d'orgue de la journée est sous nos yeux. Le lieu du pique-nique est tout choisi.
Quelques plans drone plus tard, nous attaquons la descente beaucoup plus pentue qu'à l'aller, quasiment en escalade. Nous passons par le grotte de Nestor, qui nous plaît sans plus, avant d'atteindre les dunes puis la fameuse plage. Nous en profitons encore un petit peu avant de finir la boucle et de revenir sur la plage du début. Le soleil s'est finalement un peu caché mais on en profite quand même pour sortir les maillots et bronzer. Farniente !
Armé de son fidèle compagnon (son guide de voyage), Gatien propose qu'on se rende à la cascade Kalamati en rentrant. Elle n'est pas facile à trouver, nous galérons bien ! Maps.me nous perd, Google Maps aussi. Un gentil monsieur du village voisin nous explique que tout le monde se trompe et nous indique la bonne direction. Après plusieurs essais, des aller-retour pas toujours sereins, nous trouvons le bon chemin, un petit chemin de terre où nous roulons au pas. Une petite voiture rouge, totalement défoncée, arrive dans l'autre sens. Gatien la laisse passer en se garant sur le côté.
Arrivés au parking de la cascade, on prend juste de quoi se baigner et on part profiter des derniers rayons du soleil. Le chemin est pentu et escarpé, en claquettes je (Clémence) galère un peu. Mes camarades sont heureux, la cascade est magnifique au milieu d'une végétation luxuriante. Gatien se baigne et nous passons un plutôt bon moment.
Malgré tout, je ressens un peu de tension. Connais-tu ce sentiment un peu bizarre que quelque chose ne va pas ? Je ne sais pas comment le décrire mais c'est en tout cas ce qui m'anime à ce moment précis.
Une demi-heure plus tard, nous revenons à la voiture. Le parking est toujours vide et Adrien propose de sortir le drone pour voir la cascade d'en haut. Et là, c'est le drame. Il découvre en s'approchant un peu plus de la voiture que la vitre arrière a été totalement cassée. Des milliers de bris de glace sont dispersés par terre et dans la voiture. On ne comprend pas tout de suite ce qu'il s'est passé. Surtout qu'à première vue, tout est là : nourriture, chaussures de marche, claquettes, eau, lunettes de vue... Après plusieurs minutes, Gatien se rend finalement compte qu'il lui manque son argent liquide, bien que le portefeuille soit à sa place.
Un peu tous déboussolés par ce qu'il y a sous nos yeux, on prend rapidement plusieurs photos. Je demande aux garçons qu'on s'en aille vite fait, de peur que nos agresseurs soient toujours dans le coin, qu'on les ai surpris, bref on ne sait jamais. De toutes façons nous n'avons pas de réseau.
Nous reprenons la route, Adrien repense à cette voiture défoncée qu'on avait laissé passer à l'aller, persuadé qu'ils ont fait demi-tour. À part eux et nous, il n'y a personne, absolument personne par ici.
Au bout de quelques kilomètres, on retrouve du réseau et s'ensuit de nombreux appels à l'agence de location d'Athènes, à celle de Kalamata, à l'assurance de la voiture, à l'assurance de la carte bancaire. On ne chôme pas. À peine 24 heures après avoir loué la voiture, nous devons déjà en changer. Pas de chance sur ce coup-là ! Cette journée paradisiaque finit donc au poste de police.
Jour 71 🇬🇷 - Sur la route de Mistra
Mistra et Sparte, Grèce le 15 avril 2022
La nuit n'a malheureusement pas effacé la mauvaise expérience de la veille. Nous nous réveillons tout de même motivés et pas le moins du monde abattus, prêts à continuer ce road-trip. Notre objectif du jour est de rejoindre Monemvasia, sur la côte est de la Grèce, tout en passant par l'ancienne cité de Mistra.
Notre route nous amène rapidement dans les montagnes du Taygète dont le prolongement forme plus au sud la péninsule du Magne. Les champs d'oliviers laissent vite place aux canyons étroits et aux sommets rocailleux. Bien que l'enchaînement de lacets nous donne un peu le tournis, nous ne pouvons qu'apprécier ce paysage majestueux. La région du Péloponnèse est très peu peuplée et l'intérieur des terres l'est encore moins. Nous ne croisons qu'un ou deux villages en plus d'une heure, avant d'arriver dans la région de Sparte sur l'autre versant.
Bien que la ville antique de Sparte soit très connue, il en reste peu de choses. Nous sommes ici pour visiter Mistra, une ancienne ville franque, puis byzantine, dont les vestiges se dressent encore sur les pentes de la vallée de l'Eurotas. La ville est plutôt récente. Elle a été fondée par Guillaume II de Villehardouin en 1249 afin de fortifier la région de Sparte. Si ce nom nous paraît familier, c'est parce que son père, Guillaume Ier de Champlitte, était originaire de Franche-Comté (Comté de Bourgogne). C'est à la faveur de la Quatrième Croisade au début des années 1200 qu'il a acquis cette partie du Péloponnèse. Cette histoire fait forcément écho à mes origines bourguignonnes et franc-comtoises (Adrien). Son déclin est assez tragique puisque ses habitants l'ont désertée après qu'elle ait été rasée durant la guerre d'indépendance grecque. Elle est classée au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1989.
Nous débarquons sur le site vers 13h30 et apprenons avec surprise qu'il ferme dans deux heures tout pile. Les horaires d'hiver semblent toujours s'appliquer, ce qui n'est pas le cas du tarif, qui a quant à lui doublé. La visite est néanmoins riche en apprentissage sur l'histoire de la Grèce et la vue sur la vallée est immanquable. Au final, nous sommes juste un peu frustrés de ne pas avoir eu plus de temps pour en profiter.
La suite du trajet est plus linéaire. Des orangers regorgeant de fruits mûrs s'étalent le long de la route réveillant nos papilles. Nous arrivons vite à Monemvasia ou plutôt à quelques kilomètres plus au sud dans ce qui sera notre logement pour deux jours. Bien que l'accès soit difficile, le cadre est paradisiaque. La grande maison où nous logeons est située sur une petite avancée dans la mer, ce qui nous donne un peu l'impression d'être au bout du monde. Depuis l'appartement, de nombreuses baies vitrées permettent d'admirer la mer et le rocher de Monemvasia au loin.
Jour 72 🇬🇷 - Le rocher de Monemvasia
Monemvasia, Grèce le 16 avril 2022
Le jour se lève sur la mer Égée qui nous entoure littéralement. Comme tous les matins, Gatien et moi dégustons un « café grec » dont j'essaye de perfectionner la technique jour après jour. Aujourd'hui, il fait beau, vraiment beau. C'est l'occasion pour Clémence et Gatien de sortir leurs plus belles tenues d'été.
Nous prenons la route pour Monemvasia et sa cité fortifiée sur deux niveaux, ville basse et ville haute. Ce doit être, je crois, la 15ème du voyage (estimation à la louche). En préparant notre tour du Péloponnèse, Clémence l'avait notée comme son indispensable. Elle ne s'est pas trompée.
La cité est située au pied d'un rocher d'un peu moins de 2 kilomètres de long, que l'on repère de loin grâce à ses 300 mètres de haut. Peuplé depuis plus de 8000 ans, il était à l'origine relié au continent jusqu'à ce qu'un tremblement de terre transforme toute la côte laconienne en 375 avant JC. C'est ainsi que ce rocher est devenu une île.
Monemvasia telle qu'on la connaît fut fondée en 582. À cette époque, les habitants de la Laconie y trouvèrent refuge afin de se protéger des invasions des Ézérites et des Mélinges, des peuples slaves venus d'Europe du Nord. C'est aussi à ce moment là qu'ils relièrent le rocher au continent en construisant un pont. Cette protection naturelle en a fait l'une des places fortes majeures de l'Empire byzantin, ainsi qu'une plaque tournante du commerce maritime méditerranéen, notamment de vin. La ville connut son apogée durant les XIII et XIVème siècles avec près de 30 000 habitants. De nos jours, seule la ville basse est habitée, bien qu'une majeure partie soit dédiée au tourisme. N'étant pas accessible aux voitures, la cité médiévale a su garder son cachet d'antan.
C'est donc à pied que nous découvrons Monemvasia. Une fois le pont passé, la route goudronnée passe entre la falaise à gauche et la mer tumultueuse à droite. Quelques centaines de mètres plus loin, nous arrivons face à d'imposants remparts qui nous barrent la route. Une petite porte nous permet d'entrer avec une impression de caverne d'Ali Baba. Les ruelles étroites et colorées de la ville basse nous enchantent. Des chats se prélassent au soleil et les restaurateurs réceptionnent leurs livraisons, tractées à l'ancienne à l'aide d'une charrette à bras. Il y a encore peu de touristes à cette période de l'année ce qui rend la visite agréable.
Nous rejoignons vite la grande place pavée du village. De là, nous empruntons un escalier usé par le temps qui part de l'église Agia Paraskevi. Il mène à la ville haute qui se trouve 200 mètres plus haut.
De la ville haute, il ne reste plus que des ruines. La végétation a repris depuis bien longtemps ses droits. Nous prenons plaisir à faire le tour du rocher jusqu'à sa pointe est, où l'on peut encore voir les restes d'une échauguette et quelques pans de murs. C'est l'occasion également d'admirer les environs en contrebas.
Avant de redescendre, nous faisons un crochet par l'église Agia Sofia, seul bâtiment encore debout. Située au bord du précipice sur la partie sauvage du rocher, elle nous inspire des idées de mariage insolite. Mais cela ne sera pas suffisant pour détrôner la petite chapelle du lac de Longemer dans les Vosges sur laquelle on a jeté notre dévolu il y a déjà quelques années. Et puis de toutes façons, nous ne sommes pas orthodoxes.
La redescente vers la ville basse s'avère un peu plus difficile que la montée, tant les marches ont été polies par les pas des visiteurs à travers les siècles. Nous y arrivons tant bien que mal sans même déplorer de chute.
Nous continuons l'après-midi dans la ville nouvelle de Gefira, de l'autre côté du pont. Elle a remplacé Monemvasia au fur et à mesure du temps. Nous y dégustons un succulent pita gyros chez Lucky Luke (Souvlaky Luke) ainsi que mon premier « café Freddo » (café froid) sur la promenade. Tous les Grecs en boivent à longueur de journée, je me devais d'essayer.
La café Freddo c'est :
- Un espresso
- Du sucre
- Des glaçons
- Un « touilleur » pour mélanger le tout
Verdict, c'était bon et rafraîchissant. Je m'y mettrai sûrement lorsqu'il fera 40 degrés.
La journée se termine par un apéro dinatoire à la grecque, c'est à dire avec des olives, des kritsinias et des oranges en dessert.
Jour 73 🇬🇷 - On remonte vers Épidaure
L'épave du Dimitrios, Grèce le 17 avril 2022
La journée d'hier a été un réel coup de coeur pour moi (Clémence) entre belle météo, histoire atypique, architecture exceptionnelle, impression de bout du monde et copains, tout était réuni. Je m'en souviendrai longtemps !
Aujourd'hui, nous quittons la région de Monemvasia sous un vent déchaîné et une pluie qui ne va pas nous épargner bien longtemps. Monemvasia c'est un peu la bourgade tout au bout du chemin. Alors cette fois-ci, pas de boucle possible, on est obligés de remonter vers Sparte, d'où nous sommes arrivés deux jours plus tôt.
En entrant notre itinéraire sur le GPS, je me rends compte que notre route passe quasiment par Gythio. On décide de faire un petit crochet pour atteindre un endroit qu'Adrien désirait voir de ses propres yeux.
Peu avant Gythio et après avoir croisé des milliers d'orangers sur plusieurs kilomètres, nous arrivons aux abords de la plage Valtaki. La plage est grande, longue et bordée de dunes, un peu comme aux Sables d'Olonne. Voiture garée, nous partons à pied à la recherche de l'épave du Dimitrios. Enfin plutôt de ce qu'il en reste. Il ne faut pas longtemps pour l'apercevoir tant elle est colossale. Le Dimitrios est un cargo de 67 mètres de long pour 15 mètres de haut, construit au Danemark en 1950. Il appartenait à deux familles et se trouve échoué là, sur cette plage du Péloponnèse depuis 1981. Mais pourquoi ?
Pourquoi s'est-il échoué ?
Il existe de nombreuses rumeurs concernant les origines du navire et sur la façon dont il s'est échoué sur la plage. La plupart d'entre elles s'accordent sur le fait que le navire servait à la contrebande de cigarettes entre la Turquie et l'Italie. Il aurait été saisi par les autorités portuaires de Gythio, avant d'être laissé à la dérive au large du port, délibérément ou pas d'ailleurs, afin qu'il s'échoue 5 kilomètres plus loin. Il aurait ensuite été incendié pour cacher les preuves de contrebande. L'histoire officielle raconte quant à elle que le capitaine, souffrant d'une maladie, aurait été contraint de se rendre sur les côtes de Gythio, avant d'abandonner son navire à cause de ses dettes. Les mythes et les rumeurs sont souvent plus romanesques que la vérité, non ?
Ce qui est sûr, c'est que cette grosse carcasse rouillée, graffée et taguée de toute part fait partie du paysage de cette plage depuis 40 ans ! C'est à la fois étrange et fascinant de s'imaginer son histoire et ses traversées du passé. À cause du vent qui nous poursuit depuis ce matin, il n'est pas possible « d'entrer » à l'intérieur de l'épave, mais les vagues qui s'en échappent rendent le moment assez captivant et plutôt photogénique.
La plage de Valtaki est aussi le berceau de nombreuses tortues de Méditerranée. Nous n'avons pas vu de nids de tortue aujourd'hui, dommage.
Nous reprenons ensuite la route, ballottés par le vent. Comme prévu, la pluie s'immisce dans notre journée. Nous dépassons Sparte et choisissons d'emprunter l'itinéraire sans péage à travers les montagnes. S'ensuit de nombreux virages, je choisis donc un spot pour déjeuner aux abords de la côte. La plage la plus proche est celle de Mili beach, mais en fouillant un peu plus la zone sur Google Maps, je lui préfère finalement un autre spot à quelques mètres de là et laisse la surprise des lieux aux garçons.
Ancienne gare ferroviaire de Mili, Grèce le 17 avril 2022
Et quelle surprise. Après avoir visité une épave le matin même, nous continuons la journée urbex dans une ancienne gare ferroviaire qui semble abandonnée depuis peu. C'est le terrain de jeu parfait pour nous dégourdir les jambes après la longue route.
Petit aparté : le mot urbex est l'abréviation d'exploration urbaine. Comme son nom l'indique, cette pratique consiste à visiter des lieux (au sens large) construits et abandonnés par l'homme, sans les endommager. C'est ce qu'on a fait plusieurs fois depuis le début du voyage, en explorant par exemple un hôtel jamais terminé à Shkodër en Albanie et toutes les forteresses en ruine qu'on a croisées en route. Plus qu'une simple exploration, l'urbex nous permet surtout de nous imprégner de l'histoire des lieux que l'on découvre, comme avec cette gare ferroviaire. Une des règles de l'urbex, c'est de ne jamais dévoiler publiquement l'emplacement d'un lieu. La gare de Mili étant référencée sur Google Maps, on ne risque pas de l'enfreindre.
Sous nos yeux apparaissent quelques locomotives à vapeur des années 1970, une gare plutôt en bon état et quelques wagons dispersés ça et là.
En cherchant quelques informations sur internet, on apprend que passait ici la ligne allant de Corinthe à Kalamata, ça aurait été bien pratique pour nous de pouvoir l'emprunter. Mais vu l'état des lignes et la quantité de végétation environnante, le lieu n'a pas dû servir depuis bien longtemps.
En poursuivant les recherches, j'apprends que le tronçon passant par Mili a été inauguré vers 1890 afin de désenclaver le Péloponnèse. Malheureusement, l'arrivée de l'autoroute en 2000, les déraillements successifs entre 2002 et 2004 dus à un manque de maintenance et le début de la crise financière dans les années 2010 ont eu raison de cette ligne.
Il fait froid, nous déjeunons rapidement et finissons même le dessert en voiture. Il nous reste moins d'une heure avant d'arriver chez Fani, on a hâte de profiter d'un café chaud.
Jours 73 et 74 🇬🇷 - Ambiance pluvieuse à Épidaure et Mycènes
Épidaure, Grèce le 17 avril 2022
Après une dernière heure de route dans les montagnes brumeuses, nous arrivons à Ancienne Épidaure, une ville côtière verdoyante. La maison de Fani est un peu à l'écart du centre-ville, une sorte de havre de paix au milieu des orangers et des citroniers. On passe la porte de notre nouveau chez nous, accueillis par une hôte au sourire communicatif. Des oranges et des confitures maison nous attendent sur la table. À vrai dire, ce n'est pas tout. Bouteille de vin, huile d'olive légèrement pimentée, origan du jardin, ça fait du bien de se sentir comme à la maison et pas simplement dans un appartement sans âme.
En fin d'après-midi, nous profitons d'une légère éclaircie pour faire un tour sur les hauteurs de la ville. À deux pas de chez Fani se trouve l'acropole d'Épidaure, désormais couverte d'orangers, et à son pied un petit théâtre antique. À partir du chemin principal qui monte sur la colline, nous empruntons un petit sentier presque effacé par les hautes herbes.
Le sentier est si étroit et la végétation tellement gorgée d'eau qu'on se fait tremper jusqu'aux cuisses à chaque pas. Le jeu en vaut néanmoins la chandelle puisque nous arrivons à une petite chapelle pleine de charme et bien entretenue où quelques bougies finissent de se consumer. En plus d'être belle, elle nous offre une belle vue sur Ancienne Épidaure et les montagnes qui l'entourent. Nous sommes enchantés.
Épidaure, Grèce le 18 avril 2022
Aujourd'hui est un jour très important. Il faut dire que tout notre périple dans le Péloponnèse a été orchestré en fonction de cette date. En effet, le 18 avril, c'est la journée internationale des monuments et des sites. À cette occasion, tous les sites archéologiques et musées publics de Grèce sont ouverts gratuitement au public. C'est un peu comme notre journée du patrimoine ou notre nuit des musées. Or, quand en Grèce chaque entrée coûte environ 12€, cette journée est la bienvenue pour notre budget de voyageur long cours.
Malheureusement pour nous, journée gratuite ne veut pas dire automatiquement journée de printemps chaude et ensoleillée. C'est équipés de nos plus beaux kways et sous une fine bruine que nous quittons l'appartement de Fani de bon matin.
Sanctuaire d'Asclépios et Théâtre d'Épidaure, Grèce le 18 avril 2022
Seulement 20 minutes nous séparent du sanctuaire d'Asclépios, notre premier lieu de visite du jour. On est partis tôt, s'attendant à une foule à l'entrée. Mais non, le parking est quasiment vide. On s'acquitte de notre ticket gratuit et on progresse dans la première allée de cet immense complexe en ruine dédié à Asclépios le dieu guérisseur. Il a été construit entre le VIème et le Vème siècle avant JC.
Court rappel mythologique : Asclépios est le fils d'Apollon, il fut foudroyé par Zeus car il avait ressuscité les morts. Il fut divinisé sous la forme de la constellation du serpentaire. Il est souvent représenté avec un bâton sur lequel est enroulé un serpent. Aujourd'hui encore, on retrouve fréquemment ce symbole en médecine.
Durant l'Antiquité, les pèlerins venaient de toute la Grèce pour se faire soigner à Épidaure, où exerçaient des médecins très réputés. Portique d'incubation, restauration, logements, bains, le lieu pouvait accueillir plusieurs centaines de personnes. Le site comprend également les vestiges du Tholos, un temple circulaire dédié à Asclépios.
Plus qu'un sanctuaire, il y avait également plusieurs bâtiments dédiés aux jeux panhelléniques asclépiens, comme ici le stade. Ces jeux avaient lieu tous les quatre ans et comprenaient des concours sportifs, musicaux et artistiques.
Le clou du spectacle se trouve juste à côté du sanctuaire. On l'a gardé pour la fin de la visite. Et oui, Épidaure est surtout connu pour son théâtre à l'acoustique exceptionnelle. On arrive pas à pas à son pied, juste devant la scène. C'est le théâtre antique le plus grand qu'on ait vu jusqu'à maintenant et aussi le mieux conservé.
« Le demi-cercle de sièges est plus vaste que ceux des autres théâtres et plus rapproché de la scène afin d'améliorer le son. Un murmure poussé depuis l'orchestre circulaire où évolue le choeur peut encore être entendu 20 mètres plus haut, dans les rangées supérieures. »
Face à nous, 56 rangs s'étalent à flanc de colline dans un panorama majestueux. Les 34 premiers ont été construits au IVème siècle avant JC, plus tard, les Romains ont ajouté 21 rangs supplémentaires. Près de 12 000 spectateurs peuvent s'y asseoir.
La vue d'en bas est très impressionnante, on se sent minuscule face à un tel édifice. Ce doit être une sacrée performance de jouer là, lorsque les gradins sont remplis. On retrouve quelques touristes. D'ailleurs, un monsieur sort une flûte de son sac afin de jouer une petite mélodie et on monte rapidement quelques rangées pour l'écouter.
D'en haut, la vue est à couper le souffle. Assister à une représentation ici, ça doit vraiment être quelque chose !
Cité antique de Mycènes, Grèce le 18 avril 2022
Nous remontons en voiture, passons au Lidl prendre des petits feuilletés au fromage et à l'épinard (nos préférés, même Gatien en redemande). À peine remontés en voiture, la pluie s'abat sur nous. Nous roulons une bonne demi-heure jusqu'à Mycènes et attendons que le temps s'améliore sur le parking.
Une heure plus tard, le gros nuage noir ne s'est toujours pas dissipé, mais la pluie semble un peu moins forte. Nous prenons notre courage à deux mains pour rejoindre l'acropole de Mycènes. Nous récupérons nos tickets gratuits et commençons l'ascension rendue glissante par la pluie. L'ambiance est mystique.
L'histoire de Mycènes commence au IIIème millénaire avant JC, à une époque où histoire et mythologie se confondent dans la nuit des temps. La ville aurait été créée par Persée avec l'aide des Cyclopes. C'est aussi le royaume du héros grec Agamemnon, commandant de l'armée achéenne durant la guerre de Troie.
L'entrée de l'acropole se fait par la fameuse porte des Lionnes, plusieurs fois millénaire. Elle date en effet de -1250 environ et c'est sans doute l'image la plus emblématique de Mycènes, la seule qu'Adrien avait gardée en mémoire de son précédent voyage. Surmontée d'un bas-relief représentant deux lionnes de par et d'autre d'une colonne, cette porte imposante rappelle l'esthétique crétoise. Les historiens supposent d'ailleurs que la cité mycéienne a entretenu des liens très forts avec la Crète.
La citadelle de Mycènes est aussi remarquable pour ses murs cyclopéens qui, comme leur nom le laisse supposer, sont composés de pierres énormes pour offrir un maximum d'obstacles aux assaillants. Deux pierres empilées l'une sur l'autre font presque la taille d'un homme.
Le site comporte également plusieurs tombeaux monumentaux dits à tholos (plan circulaire). Tout comme le reste de la cité, ils sont très anciens et parfaitement dessinés. Le plus connu, le Trésor d'Atrée fait 13,5 mètres de haut pour un diamètre de 14.5 mètres. Il a été pendant près de mille ans le plus grand et large dôme du monde jusqu'à la construction du Panthéon de Rome. On se sent tout petit à l'intérieur tant il est grand.
Cette dernière visite clôture notre séjour dans la région d'Épidaure. Nous n'avons pas la foi d'en faire plus avec une météo aussi chaotique.
Jours 75 à 77 🇬🇷 - Un petit paradis dans les oliviers d'Hermione
Péninsule de l'Argolide, Grèce le 19 avril 2022
Après deux jours de mauvais temps, nous attendons vivement de retrouver un peu de chaleur. Nous quittons Fani un peu tristes et le coffre chargé d'oranges, de citrons, de pots de glikos au citron et à la bergamote (fruits confits), de confitures et d'olives. La veille, en rentrant de nos visites, nous avons, Clémence et moi, pris un peu plus le temps de discuter avec elle. Elle connaît la région comme sa poche puisqu'elle y fut garde forestière et nous a invités à revenir un jour la voir pour qu'on randonne tous ensemble. Nous aurions aimé passer plus de temps ici.
Le choix de l'itinéraire est difficile aujourd'hui. Gatien souhaite longer la côte pour voir le volcan Methana (environ 2 heures et demie), tandis que Clémence préfère qu'on prenne la route directe par les montagnes afin de profiter plus longtemps d'Hermione (environ 1 heure). Nous optons pour la route côtière. L'ambiance est tendue pour la première fois de ce voyage à trois.
En chemin, les nombreux virages nous font renoncer à nous rendre au pied du volcan, sous peine de tous être malades. Nous prenons à la place la direction de Trézène pour voir un site archéologique libre d'accès. Je (Adrien) m'essaye à cette occasion à l'archéologie aérienne à l'aide de mon drone. Avoir un point de vue aérien permet souvent de voir d'autres perspectives. On a l'impression d'avoir le plan du site sous les yeux, pratique, surtout quand la végétation est très dense.
Un dernier arrêt au bord d'un chantier naval en face de l'île de Poros nous fait brièvement renconter un couple d'alsaciens, retraités, qui voyagent tous les étés depuis dix ans à bord d'un voilier autour de la Grèce. Ils viennent justement de vendre le leur et d'en racheter un en moins bon état afin de le rénover. C'est un chouette projet.
Hermione, Grèce le 19 avril 2022
Nous arrivons à l'entrée du village d'Hermione en fin d'après-midi. Le soleil a finalement réussi à percer les nuages et les prochains jours s'annoncent très beaux. Nos instructions sont claires. Une fois arrivés à l'entrée de la bourgade, nous devons prévenir Maria notre hôte et attendre qu'on vienne nous chercher. Les minutes passent et toujours rien. Quand soudain, un homme assis sur un scooter Piaggio déboule devant nous. Il me demande (Adrien) si je suis Clémence, la réservation étant à son nom, ce qui nous fait tous sourire.
La petite maison, que nous avons louée pour deux jours, se trouve en plein milieu des oliviers. Nos hôtes vivent dans la ville du Pirée, le port d'Athènes et passent presque tous les week-ends dans ce petit havre de paix.
Nous ne nous attardons pas longtemps dans l'oliveraie, pressés d'aller nous dégourdir les jambes. Située sur une colline à cheval sur deux baies, la ville est assez singulière puisqu'elle possède deux ports. Dans son prolongement se trouve une petite péninsule couverte de pins qui nous rappelle beaucoup celle de Marjan à Split en Croatie. Qui dit Grèce, dit ruines et acropole. Nous en faisons le tour, avant de grimper au pied des ruines du temple de Poseidon en plein milieu du parc. Le sol est recouvert de fleurs aux couleurs orangées, c'est très beau.
Notre escapade nous amène près du port de plaisance. Suivant les conseils de nos hôtes, nous profitons des derniers rayons du soleil attablés à la taverne Kabos. Au menu ce soir, des poissons, calamars et moules pêchés dans les environs, accompagnés d'une bonne bière.
En rentrant, nous découvrons à nos dépens que notre douche est électrique. Depuis quelques mois, nous nous sommes habitués à devoir allumer manuellement le ballon d'eau chaude quelques minutes avant de prendre une douche. Souvent, il existe un interrupteur pour le faire. Ici, on manipule directement les fusibles. Or dans notre cabane un peu vétuste, il semble y avoir un court-jus qui rend le pommeau de douche électrique lorsque le ballon d'eau chaude est alimenté. C'est ça aussi le voyage, accepter de prendre des douches... revigorantes.
Hermione, Grèce le 20 avril 2022
Quel plaisir de se réveiller à la campagne ! Ce matin, une fois n'est pas coutume, nous n'avons rien prévu au programme. Nous prenons le temps d'écrire ce journal de bord, d'aider Gatien à faire des mots-fléchés et de réfléchir à la suite de notre voyage.
Aujourd'hui, nous avons aussi décrété que la journée se ferait sans voiture. Après presque une semaine sur les routes à avaler les kilomètres, nous retrouvons un rythme plus lent qui nous correspond mieux à Clémence et moi. Quoi de mieux que de profiter du retour de la chaleur pour aller se baigner l'après-midi le long des belles côtes de la mer Égée. Certes l'eau est encore un peu fraiche, mais on s'en accommode aisément en ne trempant que les jambes (pas fous).
La fin de journée approchant déjà, on profite de notre dernier coucher de soleil dans notre petite maison du bout du monde avec un Aperol Spritz agrémenté d'une rondelle d'orange de Fani et d'une bonne salade locale.
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Merci d'avoir lu jusqu'au bout ❤️
Il est déjà l'heure de rentrer sur Athènes après avoir passé une belle semaine dans le Péloponnèse. À très vite.
Plus qu'un blog voyage, nous partageons nos péripéties au fur et à mesure de notre aventure comme on les vit, avec passion et sincérité. Si tu veux nous adresser quelques mots, tu peux nous contacter sur nos pages Instagram : Clémence et Adrien.