Journal de bord au Liban 🇱🇧
« Tiens bon la vague et tiens bon le vent, Hissez haut... Santiano ! »
Les côtes turques s'éloignent et nous nous retrouvons vite en pleine mer. C'est à bord d'un navire roulier que nous prenons le large en direction du Liban.
Puisse la mer être calme ce soir !
🌍 | Journal de bord de notre voyage sans avion
🚀 | Sur la route depuis février 2022
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Jours 271 et 272 🇹🇷🇱🇧 - Récit d'une traversée entre la Turquie et le Liban
De Tasucu, Turquie à Tripoli, Liban du 01 au 02 novembre 2022
Si tu te souviens bien, nous t'avons laissé dans le précédent journal de bord sur les quais de Tasucu dans le sud-est de la Turquie. Notre barda sur le dos, nous étions prêts à embarquer à bord du Dada Star en compagnie de nos amis Amira et Frieder.
Le titre est explicite, c'est bien au Liban que nous nous rendons et plus précisément à Tripoli. Autant être honnêtes, le Liban n'a jamais été au programme de ce voyage. Trop au sud, trop difficile d'accès. Ne jamais dire jamais. Une série de rencontres, de recherches et d'appels plus tard, nous partons bel et bien pour le Liban.
Résumé minute par minute de notre traversée.
PS: plus d'informations pratiques dans notre bilan du Liban.
Formalités administratives
18h28 - Départ pour le port. Nous montons tous les quatre en voiture. Nous sommes les seuls passagers du bateau.
18h45 - Arrivés à la douane portuaire, on se rend bien compte qu'ils ne sont pas habitués à voir de simples passagers. On patiente.
19h05 - Tampon de la douane. Au revoir la Turquie !
À bord du Dada Star
19h14 - Départ pour le Dada Star, un bateau roulier qui accepte également des passagers. Après avoir beaucoup douté, on se dit que désormais, il ya bien 95% de chance qu'on parte aujourd'hui. L'excitation monte.
19h25 - La voiture nous dépose devant le bateau. On slalome entre les camions. Le bateau sera plein. On escalade une échelle, puis une seconde, toujours avec nos sacs sur le dos. Arrivée dans le salon des passagers. On comprend que cette grande pièce nous sera réservée pour les 14 prochaines heures. Royal !
19h50 - On rencontre une partie de l'équipage, adorables. Ils nous expliquent que les conducteurs des camions restent à l'étage inférieur. À notre étage, c'est la 1ère classe, réservée aux passagers et aux membres de l'équipage.
20h25 - On découvre qu'il y a une douche et qu'en plus elle est bien chaude ! On en profite tant qu'on est à quai.
21h10 - En parcourant le pont supérieur avec Adrien, nous arrivons sans le savoir au niveau de la timonerie. Nous y rencontrons le capitaine, qui se présente à nous en français. Il est originaire de Tartous en Syrie et connaît bien l'ensemble des ports méditerranéens. Il nous invite à l'intérieur et nous offre le thé tout en nous présentant les différents instruments de navigation.
22h - Le départ est imminent. On prend congé du capitaine et on revient dans notre salon. Surprise, des oreillers et des draps ont été déposés pour nous. Le cuisinier nous apporte peu après des sandwichs au fromage et du thé. Bon appétit !
Mer d'huile, nuit tranquille
22h26 - On commence à bouger, millimètre après millimètre ! Une bonne heure est nécessaire pour sortir du port.
23h - On s'endort calmement. Pour l'instant, on ne ressent pas du tout les effets de la navigation. La mer est très calme, c'est le rêve de tout marin d'eau douce !
6h - Tonnerre de Brest, des orages. On les entend dans un sommeil profond. Tout le monde dort toujours.
8h - Réveil, mer d'huile toujours. Nous avons été très chanceux. La nuit a été très bonne pour tous les quatre. Pas de bruit, pas de vagues, pas de lumière. Même les orages n'ont pas réussi à nous réveiller.
9h34 - Un membre de l'équipage nous apporte un petit-déjeuner sommaire, du thé et du café. On fait nos sacs tranquillement.
10h45 - Matinée calme, on n'aperçoit pas encore la côte libanaise. Ça ne saurait tarder.
Bienvenue au Liban
12h - Arrivée sans encombres. On remercie l'équipage et on met pied à terre.
12h15 - Nous nous mettons en quête de la douane, nous sommes les seuls piétons au milieu d'un port énorme. Premiers pas au Liban ! On se rend compte qu'on a une heure de décalage horaire. Le Liban est passé à l'heure d'hiver, ce qui n'était pas le cas de la Turquie.
13h30 - Après un peu d'attente, nous ressortons de la douane avec nos précieux tampons. Un visa d'un mois est délivré à l'arrivée. Et en plus, il est gratuit. Bienvenue au Liban !
Jours 272 à 275 🇱🇧 - Premiers pas à Tripoli
Tripoli, Liban le 02 novembre 2022
Nous quittons le port à pied. Bien chargés tous les quatre, nous ne passons pas inaperçus. « Welcome ! Bonjour ! Bienvenue au Liban ! », nos quarante minutes de marche pour rejoindre l'hostel ne sont pas de tout repos. Tous ces sourires nous font néanmoins chaud au coeur.
Arrivés au City Guest House sans réservation, nous sommes merveilleusement bien accueillis par Ahmad, un jeune syrien de Tartous. Nos chemins se séparent avec Amira et Frieder pour quelques jours. Ils décident de repartir sans plus attendre pour poser leur tente en dehors de la ville.
De notre côté, nous profitons des précieux conseils de Ahmad et d'une petite chambre très agréable. Puis, nous ressortons découvrir Tripoli. Malheureusement en cette saison le soleil décline dès 16h30 et aux alentours de 17h, il fait nuit noire.
Nous apprenons à vivre avec l'absence d'éclairage public liée à la crise économique et financière que traverse le pays. Dans une ville aussi animée que Tripoli, c'est plutôt étrange voire même dangereux de ne rien y voir. Nous préférons passer la soirée tranquillement à l'hôtel.
Tripoli, Liban le 03 novembre 2022
On (Clémence) se réveille à l'aube, le décalage horaire fait son effet. Nous laissons nos affaires à l'accueil de l'auberge et sortons explorer le centre-ville. Ahmad nous a partagé tous ses endroits coup de coeur de la ville et il y en a beaucoup.
À quelques minutes à pied, nous entrons dans le souk (l'équivalent arabe des bazars orientaux). Les ruelles pavées deviennent plus étroites et plus sombres. Pour cause, de chaque côté, on observe des devantures tout en bois, ouvertes ou non. Le souk en lui-même vaut le détour et nous prenons plaisir à déambuler dans ses allées animées, entre klaxons, sourires et sollicitations des vendeurs.
Nous entrons dans le Al Saboun Caravanserail. Comme tout caravansérail, il s'articule autour d'une grande cour centrale et d'une fontaine. Ici, les chambres de l'époque du rez-de-chaussée et du premier étage ont été remplacées par des boutiques de savon. On sent à tout va.
D'ailleurs en parlant de savon, nous entrons un peu plus loin dans la plus ancienne fabrique artisanale de savon encore en activité, guidés par un panneau en français. À l'étage, nous rencontrons un papy et une mamie qui nous présentent fièrement un livre d'école libanais de 1997 qui mentionne leur savonnerie, ainsi que des photographies de la visite de deux ambassadeurs français des années 2000 et 2010.
Au détour d'une allée, nous sommes surpris par de très belles voûtes et des colonnes aux couleurs blanches et noires. Le propriétaire du café nous explique que les pierres servant à la construction d'une bonne partie de la vieille ville ont été importées d'Égypte au XIIIème siècle, durant la période mamelouke.
Un peu plus loin en sortant du souk, nous passons devant deux églises, la cathédrale Saint-Georges et l'église Saint-Joseph. En cherchant l'entrée, nous tombons sur un homme qui cherche à nous faire payer l'entrée. Nous passons notre tour et préférons visiter la Grande Mosquée Al Mansouri qui fut achevée en 1314. Il s'agit du premier monument construit par les mamelouks.
Nous avons réservé deux nuits dans un appartement du quartier portuaire de la ville. L'heure avançant, nous retournons chercher nos sacs à dos à l'auberge. Nous avons rendez-vous avec Georges devant un hôtel du quartier El Mina.
Tripoli, Liban les 04 et 05 novembre 2022
Le quartier d'El Mina est situé sur la point ouest de Tripoli. Ses maisons blanches et petites ruelles calmes sont à l'opposé du souk très animé de la vieille ville. Nous logeons au dernier étage d'un petit bâtiment et apercevons droit devant le clocher de la petite église orthodoxe grecque Saint-Georges.
Nous apprenons à découvrir le Liban au travers de cette petite vie de quartier où tout le monde se connaît, dans ses bons et ses mauvais côtés.
Notre expérience est en effet contrastée. Les effets de la crise financière que subit le pays sont visibles partout. La livre libanaise a perdu plus de 25 fois sa valeur en trois ans et beaucoup de Libanais ont perdu toutes leurs économies. Par conséquent, les services publics sont très dégradés voire inexistants.
Les rives de la mer sont jonchées de déchets et beaucoup de bâtiments semblent sur le point de s'écrouler. Le soir, les coupures d'électricité sont fréquentes et nous sommes chanceux d'avoir un générateur privé dans l'immeuble. L'eau du robinet n'est pas potable, ce qui est une première depuis le début du voyage. Le choléra est tristement réapparu depuis quelques semaines alors qu'il avait disparu depuis plus de trente ans.
Pour contre-balancer, les sourires des Libanais et leur accueil est très chaleureux. La météo est clémente et nous dégustons nos premiers falafels. Ces deux jours de répit nous permettent aussi de préparer calmement nos prochaines semaines.
Jours 275 à 278 🇱🇧 - Byblos, l'une des plus anciennes villes du monde
De Tripoli à Byblos, Liban le 05 novembre 2022
Trois nuits plus tard, nous quittons notre petit quartier familial d'El Mina à Tripoli. Après 40 minutes de marche, nous nous rapprochons du centre-ville et arrivons au point de départ des bus Connexion qui effectuent la liaison entre Tripoli et Beyrouth. Nous montons dans le premier que nous apercevons et attendons qu'il soit plein pour partir, c'est-à-dire à peine 5 minutes plus tard.
Une dame, arrivée en dernière minute elle aussi, s'installe sur le strapontin juste à côté de nous. Elle parle couramment français, comme beaucoup de Libanais. On discute ensemble de la vie au Liban, de notre voyage, de ses études dans des établissements francophones. Le bus nous dépose sur le bas-côté à peine une heure plus tard au niveau de la ville de Jbeil.
Nous tentons tant bien que mal de traverser l'autoroute à pied et grimpons la route principale jusqu'à notre Airbnb. Avec les sacs chargés sur le dos, ce n'est pas une mince affaire. Nous montons encore 3 étages pour enfin ouvrir la porte de notre studio. La vue, au coucher du soleil, y est tout simplement fabuleuse.
Byblos, Liban le 06 novembre 2022
Après avoir avalé un bon petit déjeuner, nous dévalons les rues très pentues du quartier, direction le bord de mer. Ça ne fait même pas une semaine que nous sommes arrivés au Liban et pourtant je (Clémence) comprends déjà fort bien pourquoi on parle du Mont Liban. C'est comme si le pays tout entier était une montagne à lui tout seul. Son relief abrupt et ses précipitations abondantes dans les hauteurs contrastent avec ses cités portuaires florissantes.
Jbeil c'est le nom arabe de la ville où nous nous trouvons. Gebal, Gibelet ou encore Byblos, elle a connu de nombreuses appellations. En effet, la ville est habitée continuellement depuis au moins 7000 ans, ce qui en fait l'une des plus anciennes villes du monde.
Dès le milieu du IIIème millénaire avant JC, la cité est colonisée par les Phéniciens et devient un centre religieux majeur de la région.
À cette époque, Byblos est également une place commerciale très importante. Son port exporte les fameux bois de cèdre du Liban vers l'Égypte et la Mésopotamie. Le bois de cèdre est utilisé pour bâtir des monuments sacrés (temples de Jérusalem), des tombeaux, construire des bateaux phéniciens, assyriens, romains et égyptiens. Il sert aussi à fabriquer les sarcophages des pharaons. À l'inverse, on importe le papyrus égyptien pour le revendre à travers toute la Méditerranée. Le nom Byblos serait d'ailleurs un dérivé du mot grec βύϐλος (Byblos) qui signifie papyrus. De ce nom dérive également celui de la Bible.
Après 30 minutes de descente, nous entrons dans l'enceinte de la vieille ville, reconnaissable à ses remparts encore debout. Nous découvrons d'abord le souk, restauré il y a quelques années. L'ambiance y est paisible en ce début de matinée. Beaucoup de commerçants n'ont pas encore ouvert leur boutique. Ça ne saurait tarder !
Un peu plus loin, nous apercevons la silhouette du château des croisés. À son pied se trouve le site archéologique de Byblos où nous nous rendons. Les archéologues ont mené là des fouilles complexes, tant les différentes civilisations se sont succédé ici. Au fil des passages des Égyptiens, des Phéniciens, des Romains et des Perses, le lieu s'est enrichi de constructions variées. On y trouve même une maison du XXème siècle, en pleine restauration. Du Néolithique jusqu'à l'époque moderne, de nombreuses histoires se sont écrites ici.
La visite commence par l'immanquable château des croisés, le bâtiment principal du site. Nous pénétrons dans l'énorme bâtisse, qui comprend un petit musée et de superbes vues sur la mer dans les étages supérieurs.
Puis, nous explorons ce qu'il reste de la voie romaine, des colonnes, des temples et du théâtre. Adrien apprend un nouveau mot, le glacis. En jargon militaire, il qualifie le terrain aménagé en pente douce au pied des murailles des fortifications. Sur place, on peut également voir de petits chariots sur rails, installés par les archéologues afin de faciliter les fouilles.
Le site archéologique est grand et offre des vues somptueuses à 360° sur le littoral, sur la ville moderne, sur le port qu'on devine en contrebas et sur la plage avoisinante. On recommande énormément de le visiter.
En sortant, nous descendons encore un peu jusqu'au petit port aperçu plus tôt. Des dizaines de navires de pêche ou de plaisance y sont amarrés. La balade est très agréable.
Arrivés au point le plus bas, il est temps d'entamer notre remontée. Nous empruntons de nouvelles ruelles et passons à côté de cafés et de restaurants qui nous font saliver, ils sont malheureusement hors budget. Quel dommage, j'aurais (Adrien) bien craqué pour des croissants. Les rues sont plus belles les unes que les autres. Les bougainvilliers de toutes les couleurs ne font qu'embellir les vieux murs en pierre des façades.
En revenant à l'appartement, nous assistons pour la seconde fois en deux jours à un sublime coucher de soleil plein ouest. Pour rappel, le soleil se couche aux alentours de 16h30 en ce mois de novembre.
Byblos, Liban le 07 novembre 2022
Charmés par notre visite, nous remettons le couvert. Cette fois-ci, nous sommes accompagnés par Frieder et Amira qui viennent tout juste d'arriver, après avoir passé quelques jours dans un camping.
Nous les rejoignons avec de succulents falafels, façon sandwich, achetés en bas de l'appartement. Le rapport prix-goût nous comble amplement.
À la fin de la prière de 14h, nous sympathisons avec l'immam de la Grande Mosquée qui nous fait faire un petit tour. Côté église, ce n'est pas ça et nous trouvons porte close. Les jardins extérieurs sont néanmoins sublimes.
Côté météo, ce n'est pas ça non plus. Plus l'après-midi avance, moins il fait beau. Le soleil des derniers jours laisse place à des nuages menaçants. Les orages ne sont plus très loin lorsque nous décidons de rentrer. Nous n'aurons pas le droit à un dernier beau coucher de soleil. En revanche, la ligne d'horizon nous permet d'admirer la silhouette de Beyrouth au loin.
Jours 278 à 282 🇱🇧 - Quatre jours à Beyrouth
Beyrouth, Liban le 08 novembre 2022
Du bord de l'autoroute, nous montons dans un bus direct pour Beyrouth. La capitale libanaise est si grande et si peuplée que nous passons un bon bout de temps dans les bouchons. Nous avons opté pour un logement dans le quartier de Hamra, entre la corniche et le port. Or le bus ne va pas jusque là. Tandis que la plupart des passagers descendent, nous restons jusqu'au bout et même plus. Le téléphone dans une main, le volant dans l'autre, le chauffeur tache de nous amener au plus près.
Beyrouth nous fait une belle première impression. Le quartier dans lequel nous nous trouvons ressemble beaucoup à une ville européenne avec de beaux bâtiments et des magasins aux enseignes connues. Nous logeons d'ailleurs juste derrière la prestigieuse Université Américaine. Ici, nous entendons plus parler anglais qu'arabe ou français. Nous faisons la rencontre de nos deux colocataires, toutes deux étudiantes.
L'après-midi étant déjà bien avancé, nous nous dirigeons vers l'emblème de Beyrouth pour assister au coucher de soleil. Il s'agit d'un énorme rocher en pleine mer dans lequel une arche s'est formée au fil du temps. Pas mal de promeneurs profitent eux aussi du point de vue depuis la corniche. Certains ont même embarqué dans un zodiaque pour s'en approcher au plus près. Cela me semble très dangereux tant la mer est agitée.
Sur le retour nous constatons que, capitale ou pas, l'électricité publique est belle et bien coupée.
Beyrouth, Liban le 09 novembre 2022
Ce matin, c'est la pluie qui nous réveille. Nous devons sortir, mais Beyrouth n'a malheureusement pas de transport public. Là aussi c'est un dommage collatéral de l'énorme crise économique que subit le pays. Plutôt que de marcher sous les orages, nous préférons patienter toute la matinée.
Le temps s'améliorant, nous nous mettons en route. C'est parti pour 1 heure et demie de balade à travers la ville. Notre destination ? Chez Claire, la tata de Laura (une de mes amies du lycée de Blois). Elle vit à Forn El Chebbak, une des municipalités du sud-est de Beyrouth. Son mari en était d'ailleurs le maire.
Comme dirait Laura, on ne peut pas rester seulement 5 minutes chez un Libanais. En effet, nous arrivons en tout début d'après-midi et y restons jusqu'à la tombée de la nuit. Claire nous accueille avec du café libanais, des petits gâteaux et des fruits du verger familial de la Bekaa. Son fils est également de la partie. Le temps file. Chacun y va de son anecdote de voyage et de vie. Nous en apprenons encore plus sur le Liban et sur ces dernières années plus que compliquées. Nous partons finalement avant que la nuit ne s'installe.
Nous n'oublions pas de lui confier notre drone avec un petit pincement au coeur. Finies les belles images vues du ciel. Il n'est en effet pas autorisé dans les pays que nous allons bientôt traverser.
Sur le chemin du retour, nous retrouvons Frieder au niveau de la rue Monot. Elle diffère du tout au tout avec ce qu'on connaît déjà de la capitale. Nous découvrons avec surprise que les lampadaires sont allumés. Les belles enseignes nous rappellent les brasseries parisiennes.
Nous poursuivons notre chemin tous les trois jusqu'à la récente mosquée Al Amine, qui est ouverte ce soir. L'intérieur est grandiose, nous en prenons plein les yeux et avons hâte de revenir le lendemain pour admirer sa façade. Néanmoins, cette bâtisse majestueuse nous questionne énormément. Était-il nécessaire de dépenser autant d'argent pour construire un tel édifice, dans un pays où il y a tant de pauvreté ?
Il fait totalement noir quand nous décidons de rentrer à la maison. Malheureusement, traverser le centre-ville de Beyrouth de nuit n'est pas une partie de plaisir. Le GPS piéton nous fait passer la célèbre place de l'Étoile, désormais gardée par des militaires et interdite aux passants. On ne sait pas trop pourquoi d'ailleurs *. Cela s'ajoute aux nombreux mystères de la ville. Après de nombreux détours et un chemin qui n'en finit plus, nous arrivons enfin à la maison.
* Note : quelques explications sur la fermeture du centre-ville de Beyrouth dans cet article du site Mondafrique)
Beyrouth, Liban le 10 novembre 2022
Nouvelle journée, nous repartons en mode vadrouille. Nos pas nous font tout d'abord passer devant l'ancien Holiday Inn de la ville. Désaffecté et pourtant toujours debout, il porte encore les malheureuses traces de la guerre civile des années 1975-1990. Des militaires en gardent toujours l'accès.
Nous arrivons ensuite dans le centre-ville, où nous souhaitons visiter la place de l'Étoile, la cathédrale grecque orthodoxe Saint Georges et la mosquée Al Omari. Malheureusement pour nous, toute cette partie est bouclée et nous ne trouvons pas de route non barricadée. Nous essayons de passer les blocus, mais très vite des policiers nous font faire demi-tour. Nous ne comprenons vraiment pas pourquoi autant de rues sont condamnées. Nous retournons donc à la mosquée Al Amine qui se révèle aussi belle d'extérieur que d'intérieur.
À quelques pas se situe la statue des Martyrs, au centre de la place éponyme. Elle porte ce nom en souvenir des nationalistes libanais pendus par les Ottomans le 6 mai 1916. En nous approchant, nous constatons qu'elle est criblée d'impacts de balles datant de la guerre civile.
Ne pouvant pas en voir plus ici, nous décidons de changer de quartier pour celui de Gemayze. Frieder nous a conseillé de déjeuner au restaurant Le Chef, au milieu de la rue Gouraud. L'expérience est incroyable. En plus de bien manger, c'est la première fois depuis bien longtemps qu'on retrouve une ambiance bistrot. Nappe à carreaux et expresso sont de mise. On s'y sent comme à la maison. Parfois, il suffit de peu pour ravir des français.
Nous revenons ensuite sur nos pas et passons aux abords du port avant d'arriver à la marina plutôt très branchée. Des immeubles flambant neuf poussent ici comme des champignons. Beyrouth et ses contrastes continue de nous surprendre.
Nous rentrons et partageons quelques bières avec Frieder qui nous a rejoint à la maison pour l'occasion.
Beyrouth, Liban le 11 novembre 2022
Dernier jour à la capitale, nous décidons donc de le passer dans notre quartier. Hamra nous séduit beaucoup entre son street-art, ses étudiants branchés, ses bons restaurants et ses cafés mignons.
Nous suivons les conseils de notre colocataire irlandaise et mangeons au restaurant T-Marbouta. Nous commandons quelques mezzes dont l'incontournable tabouleh libanais. La journée est douce et peu diététique. Nous marchons néanmoins pas mal aux alentours.
Nos pérégrinations nous amènent au bord de la mer. Nous nous promenons le long de la corniche avant de dire une seconde fois au revoir à la Méditerranée, sous un soleil couchant des plus sublimes.
Juste avant de rentrer, nous faisons une pause au café Younes où nous apprécions son ambiance de fin de semaine. D'un côté, un chat a décidé d'élire domicile sur un coussin et personne n'ose le déranger. De l'autre, des étudiants sortent de cours et s'offrent un très bon café.
La ville de Beyrouth est à l'image du pays. Autrefois dynamique et moderne, elle nous a donné l'impression d'être éteinte. Cela est particulièrement visible dans le centre-ville qui aurait tout pour être très agréable à vivre. Alors à la place nous essayons d'imaginer à quoi il a pu ressembler, en espérant que la vie reprenne bientôt. Les Libanais méritent de vivre des temps meilleurs.
Jours 282 à 283 🇱🇧 - La cabane de Marj
De Beyrouth à Marj, Liban le 12 novembre 2022
Cette nouvelle aventure commence à Beyrouth. Déposés sur le bas-côté de l'autoroute par notre chauffeur de taxi, nous traversons une bretelle d'entrée afin de rejoindre une zone un peu plus sûre. De là, notre mission est de retrouver nos amis allemands Frieder et Amira pour aller tous ensemble jusqu'à notre hébergement. Ils vont nous accompagner pour une petite aventure un peu spéciale qui va nous amener jusqu'en Jordanie. Enfin c'est plutôt nous qui les accompagnons.
Un peu plus bas, un renfoncement dans la route, ainsi que la présence de quelques voyageurs semble indiquer un arrêt de bus. C'est bien vu car il ne faut pas cinq minutes pour qu'un premier fourgon s'arrête, embarquant avec lui tout le monde. Nous nous posons juste à côté et je pars seul à la recherche de nos copains. J'emprunte à contre sens une bretelle d'accès qui descend en ville et j'aperçois finalement Amira, qui attend assise avec tous les bagages. Frieder nous rejoint vite. En revenant voir Clémence, nous tombons tous les trois sur un bus. Je lui demande s'il va à Chtaura, il acquiesce.
« Yala !»
Le minibus est au complet. Nous parcourons les premiers kilomètres avec beaucoup de peine tant les dénivelés s'enchaînent. Comme à Byblos et même à Tripoli, dès que nous sortons de la ville portuaire, la montagne refait immédiatement surface. Pied au plancher, on quitte la capitale petit à petit. Les virages se succèdent sur une route chaotique. La vue sur la mer Méditerranée en contrebas est magnifique.
Puis, un dernier sommet passé, nous apercevons pour la première fois la plaine de la Bekaa au loin. Nous arrivons à Chtaura une heure plus tard. La ville est grande et bondée en ce samedi matin. Nous quittons notre première monture pour en prendre une seconde, guidés par le nouveau conducteur. Cette fois-ci, le bus est vide. Il faudra donc s'armer de patience et attendre qu'il se remplisse pour parcourir la petite dizaine de kilomètres restante.
On arrive finalement à bon port. Notre hôte nous a donné une adresse précise, le nom d'une galerie commerçante sur la grande route qui précède le village de Marj. Nous faisons signe au chauffeur de nous y arrêter. Amira et moi nous occupons de décharger les sacs tandis que les garçons vont à la rencontre d'un homme pour qu'il appelle notre hôte.
Ils sont toujours en pleine discussion quand un car scolaire vide s'arrête devant Amira et moi.
« Salam Aleykoum. Walid ! » nous crie le conducteur.
On se regarde interloquées avec Amira. On lui dit qu'on attend un ami et qu'on n'a pas besoin d'aide. Il insiste pourtant à nouveau et se gare juste devant nous. Quelques gestes, quelques mots d'arabe sont échangés. On comprend qu'il veut vraiment nous aider. On fait signe aux garçons.
Il se présente alors à eux.
« Salam Aleykoum. Walid ! »
Frieder sourit et lui tend la main. C'est le beau-frère de notre hôte, il va nous accompagner à notre logement. Est-ce que la probabilité que cet ami nous accueille avec un car scolaire nous a traversé l'esprit à Amira et moi ? Absolument pas. Nous sourions gaiement et remettons tous nos sacs dans le troisième bolide de la journée.
Nous quittons la route principale pour emprunter une première route secondaire. Les maisons se font de plus en plus rares. On se retrouve au milieu des champs. Des tentes commencent à faire leur apparition entre de quelques maisons assez riches. Le parallèle est impressionnant. Mais pas le temps de trop réfléchir car nous tournons déjà sur notre gauche. Après quelques dizaines de mètres, nous apercevons des arbres et une barrière bleue. La route s'arrête là. Walid freine et met le frein à main.
Nous descendons tous les cinq et comprenons que la petite cabane derrière la jolie barrière bleue est notre logis pour la nuit. Nous le remercions. Rendez-vous le lendemain à 6h30 précise.
On s'installe dans notre petite cabane. Certains déjeunent, d'autres préparent le thé. L'après-midi est douce et fraîche. Les 900 mètres d'altitude n'y sont pas étrangers. Avant la tombée de la nuit, nous partons nous promener Adrien, Amira et moi. Frieder décide de garder la maison, en attendant notre dernière invitée.
Les alentours sont étonnants et un peu étranges aussi. Notre petite cabane se trouve dans la plaine de la Bekaa à seulement 10 kilomètres de la Syrie à vol d'oiseau. De nombreux Syriens se sont réfugiés ici durant la guerre civile qui a suivi le printemps arabe. Les dix dernières années furent terribles tant pour ceux qui sont restés, que pour ceux qui sont partis.
Nous rentrons à la nuit tombée. Pendant que nous préparons le dîner, Laura débarque avec une amie à elle qui l'accompagne jusqu'ici. L'équipe est au complet. Nous passons la soirée au frais, il n'y a pas de chauffage par ici, avant d'aller nous coucher tous les 6 dans la même pièce.
Marj, Liban le 13 novembre 2022
5h45. Le réveil n'a pas le temps de sonner que nous sommes tous déjà prêts. Cela fait quelques minutes que nous entendons des tirs fournis tout autour de nous. Autant dire que nous ne sommes pas rassurés. Nous continuons quand même nos préparatifs et déjeunons rapidement. Walid arrive, pile à l'heure, au volant de son bus magique.
En sortant, nous apercevons des 4x4 dans les champs tout autour de nous. Des hommes, le fusil à la main, sont assis à côté sur des chaises de camping. Nous comprenons alors qu'il s'agit de chasseurs d'oiseaux. Ouf.
Nous saluons la copine de Laura et montons une nouvelle fois dans le bus. Walid est un expert. Il parcourt les 25 kilomètres qui nous séparent de la frontière en empruntant des routes pas toujours conventionnelles. C'est le cas de cette 2x2 voies prise à contre-sens, qui nous permet heureusement d'éviter un barrage routier. Il faut avouer qu'on s'est tous regardé interloqués lorsqu'il s'est engagé du mauvais côté de la route.
Nous descendons au bout du village de Masnaa. Walid s'arrête là, bien que notre GPS indique que la frontière se trouve encore à une dizaine de kilomètres.
Nous voilà seuls au milieu du no man's land libano-syrien... car avant d'arriver en Jordanie, il nous faut bel et bien traverser la Syrie.
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Merci d'avoir lu jusqu'au bout ❤️
C'est ainsi que nous nous retrouvons à traverser le sud de la Syrie. Viens lire la suite de nos aventures sur les terres syriennes.
Plus qu'un blog voyage, nous partageons nos péripéties au fur et à mesure de notre aventure comme on les vit, avec passion et sincérité. Si tu veux nous adresser quelques mots, tu peux nous contacter sur nos pages Instagram : Clémence et Adrien.