Journal de bord en Géorgie 🇬🇪 : la Kakhétie entre vin et montagnes
Difficile de quitter un pays qu'on a tant apprécié et auquel on s'est habitué. Cependant, le monde est vaste et notre voyage continue désormais en Géorgie. La différence est flagrante sitôt la frontière passée.
La Géorgie est synonyme de beaucoup de changements : une heure en plus à appréhender, une nouvelle monnaie à convertir, un nouvel alphabet à tenter de déchiffrer, de nouvelles coutumes à apprendre et tant d'autres choses. Ces efforts ne sont pas vains, car nous souhaitons ralentir un peu le rythme de notre voyage. Et quoi de mieux qu'un pays dix fois plus petit que la France pour le faire.
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Jours 186 à 190 🇬🇪 - Sighnaghi, au coeur du vignoble géorgien
De Tbilissi à Sighnaghi, Géorgie le 08 août 2022
À Tbilissi, il existe plusieurs gares routières en fonction des destinations. Celle qui permet de rejoindre Sighnaghi se trouve non loin de l'arrêt de métro Samgori. Nous débouchons sur un premier parking qui ne paye pas de mine où plusieurs bus sont garés. Là, on nous indique un second parking quelques mètres plus loin où d'autres bus attendent leurs passagers. Nous repérons alors assez facilement celui pour Sighnaghi. Il part quasiment toutes les deux heures à 9h, 11h, 13h, 15h et 18h. Très pratique.
Le bus se remplit vite, le conducteur attend quand même l'heure exacte pour partir. Deux heures plus tard, nous enchaînons les derniers virages avant d'entamer la descente sur Sighnaghi. Ce village très vallonné compte environ 1500 habitants. Ce qui est sûr, c'est que cela nous change des grandes mégalopoles turques de plusieurs millions de personnes.
Chaudement débarqués, nous parcourons le petit kilomètre qui nous sépare de notre maison d'hôtes. Une mamie attend sur le pas de la porte du numéro 44 de la rue.
« Francès ? » demande-t-elle. Nous lui sourions. Oui, c'est bien nous. Nous attendait-elle ? Je ne sais pas, mais notre arrivée n'a jamais été aussi simple. Sa fille Maka fait ensuite son apparition. Elle parle anglais et nous présente rapidement les lieux.
La chambre est basique et fonctionnelle. Elle donne surtout sur un long balcon filant bordé par une vigne verdoyante. La vue sur les montagnes alentours est belle et dégagée. L'orientation de la terrasse est telle que le soleil se couche pile en face de nous.
Sighnaghi, Géorgie le 09 août 2022
Animé la journée, Sighnaghi retrouve son calme le soir venu. Il faut dire que les touristes viennent habituellement pour quelques heures en incluant une dégustation de vin, un tour du village et la visite du monastère de Bodbe.
Ce matin, c'est justement vers cet édifice religieux que nous nous dirigeons. Il ne se situe qu'à 2 kilomètres et demi de Sighnaghi, nous y allons à pied évidemment. Nous avons acheté pour l'occasion un khatchapuri (pain fourré de fromage) et un lobiani (pain fourré de haricots rouges). Ils remplacent un peu les bureks des Balkans et de Turquie que nous amenions partout avec nous lors de nos sorties. Nous ne croisons personne en chemin, la marche n'est pourtant pas déplaisante et nous offre même quelques belles vues sur le village.
Le monastère de Bodbe est niché sur une colline escarpée qui surplombe la plaine d'Alazani. Il est dédié à Sainte Nino, la sainte qui, au Vème siècle, a converti la Géorgie au christianisme. Ayant vécu les dernières années de sa vie ici, elle y fut enterrée. Des miracles s'y seraient produits et l'eau de sa source en contrebas possèderait des vertus curatives. C'est ainsi que le monastère est devenu un véritable lieu de pèlerinage pour les Géorgiens.
En franchissant ses portes, nous pénétrons d'abord dans un petit espace à l'ombre des cyprès. Impossible de manquer ses deux églises et le grand clocher séparé. La plus ancienne nous fait face, tandis que la plus moderne se cache derrière les arbres un peu plus loin.
L'ambiance calme et reposante des lieux nous plaît immédiatement. Nous nous installons dans le jardin, observant les vagues de touristes déferler dans le monastère. Nous profitons de quelques instants de répit pour visiter tour à tour les deux églises, très différentes l'une de l'autre.
Les décorations de la plus ancienne sont chargées, elle est aussi plus sombre. Les odeurs d'encens sont agréables et lui donnent un aspect mystique. La plus récente, quant à elle, n'est pas encore achevée. Elle sera plus sobre et élégante, mais aussi plus grande afin d'accueillir tous les pèlerins lors des grandes messes. À ses côtés se trouve une petite roseraie et un potager en terrasse avec vue sur les montagnes du Grand Caucase. Tout est impeccablement entretenu et complète un tableau déjà idyllique.
Ce petit tour terminé, nous nous rendons à la source de Sainte Nino à une trentaine de minutes aller-retour. La pente est raide et l'accès à la source sacrée est contrôlé par une none. Nous n'avons pas bien compris si son accès était payant ou si elle voulait que nous fassions la queue. Nous nous sommes contentés de remplir nos gourdes d'eau magique afin d'être prêts pour la marche retour.
Nous profitons le soir de la vie de village pour aller de stand en stand dans un petit marché couvert. Melon jaune chez l'un, concombre chez l'autre. Nous repartons également avec un tchourtchkhela, une confiserie traditionnelle à base de noisette et de jus de raisin. Verdict, c'est plutôt bon bien que la texture caoutchouteuse soit un peu étrange.
Sighnaghi, Géorgie le 10 août 2022
Sighnaghi est considéré comme le plus beau village de Géorgie. Pour s'en rendre compte, rien de tel que de déambuler dans ses vieilles rues et d'admirer les beaux panoramas qu'il offre. Pour notre second jour sur place, nous enfilons à nouveau nos chaussures de marche et nous rendons directement dans le quartier médiéval.
Pour ce faire, nous gagnons la place principale et nous nous dirigeons vers une des portes d'entrée du village. Nous la franchissons et arrivons dans une rue dédiée au tourisme. Entre les boutiques souvenir et les hôtels avec piscine, il n'y a plus vraiment d'habitants par ici. Néanmoins, le charme de l'ancien est resté et aucun bâtiment moderne ne vient gâcher la cohérence architecturale des lieux. C'est déjà ça de pris.
Nous nous arrêtons une première fois devant la basilique Saint George, visible de loin avec son grand clocher. En descendant un peu plus la rue, nous arrivons jusqu'à un accès aux remparts. Ces derniers sont étonnamment bien préservés. il est même possible de les emprunter sur trois ou quatre cents mètres.
À l'heure actuelle, ils ne protègent plus grand chose. En effet, les habitants du village se sont progressivement installés à l'extérieur des remparts pour une raison que nous ignorons. La partie la plus ancienne ne se résume plus qu'à une ou deux rues encore habitées et une grande forêt se dresse à la place de ce qui fut sûrement le village. Certaines portions des murs en plein milieu de la végétation nous font penser à la muraille de Chine.
Nous retournons ensuite dans la ville nouvelle qui n'a de nouvelle que le nom. Elle est pleine de charme avec ses maisons en briques, son café sur la place centrale, ses rues toujours pavées et ses balcons rouillés.
Le soir venu, nous ressortons. Nous avons déjà visité le monastère de Bodbe ainsi que les vieilles rues de Sighnaghi. Il nous reste à déguster le vin géorgien. Pour ce faire, nous nous rendons à la cave Kerovani. Nous sommes accueillis divinement bien par Archili.
Il nous fait d'abord faire le tour de sa maison et de sa cave. Il a commencé à produire du vin il y a environ 10 ans par passion et par curiosité. Il ne pensait pas en faire son métier. À l'époque, la tradition viticole géorgienne se perdait de plus en plus, si bien qu'il a décidé de la faire revivre. Depuis, son cousin l'a rejoint dans cette belle aventure. Ensemble, ils ont planté de nouvelles vignes et acheté la maison du voisin pour étendre leur cave. Ils exportent désormais leurs bouteilles à l'international. L'affaire est en plein essor et Archili vient tout juste de quitter son emploi d'ingénieur en informatique pour se lancer à plein temps.
Mais revenons à la dégustation. Le temps d'une soirée, nous goûtons pas moins de cinq verres, à commencer par un « pétillant naturel » (en français s'il vous plaît). On nous sert ensuite un verre de rkatsiteli à la couleur orangée, un second de saperavi plutôt rouge, du blanc et un assemblage de plusieurs cépages plantés durant l'ère soviétique. Cette dégustation ne serait rien sans la gentillesse de nos hôtes qui accompagnent chaque verre d'explications et de sourires. D'ailleurs, nous ne l'avons pas mentionné, mais Archili parle couramment français.
Nous rentrons la nuit venue, heureux et un peu joyeux.
Sighnaghi, Géorgie le 11 août 2022
Après deux premiers jours plutôt intenses, nous profitons d'un dernier jour de repos actif. Nous ne sortons qu'aux alentours de 18h, lorsque la chaleur est un peu moins intense et que les rayons du soleil déclinant illuminent les habitations.
La Géorgie nous plaît de plus en plus. En nous éloignant des grandes villes, nous découvrons une vie plus simple et authentique. Il nous tarde de traverser la grande plaine pour nous rendre au pied du Grand Caucase.
Jours 190 à 193 🇬🇪 - Randonnée au pied du Caucase à Lagodekhi
De Sighnaghi à Lagodekhi, Géorgie le 12 août 2022
Aujourd'hui, nous avons deux marshrutkas à prendre pour nous rendre à Lagodekhi, au nord-est du pays. Le premier va de Sighnaghi à Tsnori et le second de Tsnori à Lagodekhi. Nous savons que ces deux liaisons existent bel et bien, mais nous n'avons aucune idée des horaires.
Nous quittons notre maison d'hôtes vers 11h et pour une fois, tout s'enchaîne très vite. Le premier bus part à 11h15 de Sighnaghi, coup de chance. Nous profitons de belles vues sur les environs, tandis que nous roulons de virage en virage jusque dans la plaine. Notre chauffeur fait le signe de croix à chaque fois qu'il croise une église, les Géorgiens sont très croyants.
Soudain, un peu avant Tsnori, nous accélérons et doublons plusieurs véhicules à toute allure jusqu'à nous retrouver derrière un minibus. Nous le klaxonnons plusieurs fois et celui-ci finit par s'arrêter sur le bas côté. Nous faisons de même. Les deux chauffeurs descendent et commencent à déplacer nos sacs d'un bus à l'autre. Nous sortons un peu surpris. Notre chauffeur pointe alors le nouveau bus du doigt tout en disant « Lagodekhi ». Tout s'explique, il s'agit de notre correspondance. En deux minutes à peine, nous voilà en route à très vive allure pour notre destination finale. Rien à dire, c'est notre trajet le plus efficace depuis qu'on est en Géorgie. Et peut-être même depuis le début du voyage !
Déposés sur la route principale de Lagodekhi, nous achetons de quoi déjeuner et rejoignons notre nouvelle maison d'hôtes. Je suis étonnée du nombre de camions qui passent ici. Mais c'est vrai, nous sommes qu'à 5 kilomètres de la frontière avec l'Azerbaïdjan. Dommage que ses frontières terrestres soient toujours fermées.
Nous remontons le cours de la rivière Shromiskhevi pendant une vingtaine de minutes sous un soleil de plomb. En arrière plan, la vue sur les montagnes du Caucase est grandiose. Nos habits sont trempés de sueur, il fait près de 37 degrés. Par une telle chaleur, nos sacs semblent peser le double de leur poids.
Nous arrivons enfin à destination chez Nika 11 ans, son frère Giorgi 8 ans, la petite Nini 4 ans, leur maman et leur papy Roland. Sans oublier Simba le chien, le chat et l'oiseau. Leur maison, typiquement géorgienne avec son balcon filant, sa balancelle verte et sa vigne quasiment mûre, nous plaît immédiatement. Nika est le seul qui parle anglais, il prend son rôle très au sérieux et n'hésite pas à nous interpeller dès qu'il nous croise. Il nous offre même de la pastèque pour parfaire notre déjeuner improvisé.
Il nous explique qu'en face de sa maison, les locaux ont aménagé des piscines naturelles dans le lit de la rivière et que c'est très agréable pendant ces fortes chaleurs. Nous le prenons au mot et ne tardons pas trop pour y aller. Cependant, impossible pour nous de s'y tremper totalement, l'eau est gelée. Beaucoup d'habitants un peu moins frileux viennent aussi s'y rafraîchir.
Tandis que nous dégustons un verre de rosé, nous nous demandons où sont passés les touristes. C'est la seconde fois de suite que la maison d'hôtes où nous arrivons est vide alors que nous sommes normalement en pleine saison. Les billets d'avion sont-ils trop chers ? La guerre entre la Russie et l'Ukraine engendre-t-elle une baisse du tourisme en Géorgie ? En tout cas, les locaux font le même constat que nous. Cette année, il semble y avoir moins de touristes qu'habituellement.
Réserve Naturelle de Lagodekhi, Géorgie le 13 août 2022
Le réveil sonne. Nous préparons notre pique-nique à base de fromage, de pain et de concombres. Nous remplissons nos gourdes respectives et disons au revoir à nos hôtes pour la journée.
Il fait déjà bien chaud alors qu'il n'est que 10h. Nous mettons de longues minutes à remonter la rue principale en direction du parc national de Lagodekhi. Au bout de 3 kilomètres de faux plat montant, nous arrivons au Visitor Center, où il est nécessaire de s'enregistrer afin de pouvoir visiter le parc.
Quel endroit ! Aménagé avec goût, vert, recouvert de fleurs, d'arbres et d'allées bien décorées, c'est très beau. Nous sommes accueillis par un rangers prêt à nous renseigner sur les différentes randonnées possibles, les chemins à prendre et le temps de parcours. Nous retenons les informations principales pour nous rendre à la cascade Black Grouse, située à 9 kilomètres aller-retour. Durant tout le trajet, nous devrons suivre le balisage blanc-bleu !
Nous partons motivés et surtout contents d'avoir laissé le soleil poignant derrière nous afin de nous réfugier dans cette forêt dense et ombragée. Le premier kilomètre est facile, le sentier est large ce qui nous permet de rester côte à côte. Puis, le signe blanc-bleu nous embarque vers la gauche alors que le sentier de droite emmène les randonneurs pendant trois jours à travers les montagnes caucasiennes entre la Géorgie et la Russie.
La première difficulté de la journée nous fait face : nous devons franchir la rivière. Pour ce faire, un pont formé par deux rondins de bois pas très stables a été aménagé. Nous le traversons en canard et poursuivons notre chemin sur l'autre rive. Le sentier devient alors beaucoup plus étroit. Nous nous suivons à la queue leu leu admirant tantôt la nature environnante, la rivière à notre droite, les jolis papillons et les arbres hauts, très hauts.
Le chemin nous amène alors dans le lit de la rivière. Nous n'avons pas d'autre choix que de gravir les pierres qui la bordent, plus ou moins facilement. C'est une vraie course d'orientation que de retrouver tous les signes blanc-bleu, tout en évitant le torrent et les passages trop dangereux. Nous avons d'ailleurs dû rebrousser chemin une ou deux fois.
Puis vient l'ascension finale. Enfin plutôt la montée, puis la descente finale, très glissantes l'une comme l'autre. Nous nous faisons quelques frayeurs lorsque le sol se dérobe sous nos pieds. Dire qu'on devra emprunter le même trajet pour revenir alors que mes jambes flagellent déjà. Pour compléter le tableau, des dizaines de mouches nous tournent autour, ce qui est insupportable. Visiblement, notre sueur les attire énormément.
Nous avons mis au total deux petites heures pour atteindre la cascade depuis le Visitor Center. Nous sommes plutôt fiers de nous. Maintenant, il ne nous reste plus qu'à profiter de la récompense et à nous remettre de nos émotions. La cascade, haute d'une dizaine de mètres plonge dans un petit lac magnifique.
Après s'être reposés et avoir pris de jolies photos, nous rebroussons chemin en espérant trouver un endroit plus agréable pour déjeuner. C'est reparti pour la montée puis la descente. Mes jambes tremblent beaucoup, je ne suis vraiment pas rassurée. Savoir que la randonnée est classée comme difficile m'a inconsciemment mis la pression.
Nous avançons bien en nous aidant l'un et l'autre et retrouvons le lit de la rivière. Ouf, aucune chute n'est à déplorer, il est temps de faire une vraie pause bien méritée les pieds dans l'eau. Le retour nous paraît interminable, c'est pour cela que nous préférons les boucles en général. Nous arrivons quand même au bout bien fatigués.
Tout au long de la journée, nous avons croisé plusieurs autres randonneurs sans qu'il n'y ait foule. La journée fut plutôt paisible et ressourçante. Nous recommandons cette randonnée par temps sec uniquement. La pluie rendrait les passages déjà glissants trop dangereux.
Lagodekhi, Géorgie le 14 août 2022
La longue randonnée de la veille ne nous a pas motivés à récidiver. La chaleur nous invite plutôt à rester à l'ombre, la maison s'y prête aisément. Après le déjeuner, nous décidons d'enfiler les maillots de bain pour affronter la piscine naturelle gelée qui coule de l'autre côté du chemin.
Nous posons nos affaires sous un arbre et mettons nos pieds dans l'eau. Un homme, assis un peu plus loin avec un ami, interrompt notre baignade avant même qu'elle ne commence. Il nous fait signe de venir avec de grands gestes. Adrien les rejoint pour en savoir plus et me fait signe de venir à mon tour. Ni une, ni deux, ils nous tendent deux verres de vin fait maison. C'est comme ça que nous nous retrouvons à trinquer avec Zaza, un géorgien de Lagodekhi et Dato, son ami russe.
Enfin, trinquer est un bien grand mot en Géorgie. Il s'agit plutôt d'une succession infinie de toasts portés par chacun. Tous les sujets sont de bons prétextes pour boire, des beaux paysages environnants à l'amitié franco-russo-géorgienne. Qui dit toast, dit cul sec ! Les verres s'enchaînent sans même qu'on s'en rende compte.
« Come on, Adrien! »
Ces deux mots mis à part, nos deux compères ne parlent pas très bien anglais mais qu'importe. Nos conversations sont ponctuées de signes en tout genre, jusqu'à ce qu'ils comprennent qu'on loge juste en face. Zaza nous explique qu'il connaît très bien notre hôte Roland. Pour le prouver, il décroche son téléphone et l'invite à nous rejoindre. Une quinzaine de minutes plus tard, Roland débarque avec ses deux petits fils et Simba, son chien.
L'aîné, Nika, participe lui aussi à quelques toasts du haut de ses 11 ans. Visiblement, c'est normal en Géorgie. Nous profitons de sa présence et de son très bon anglais pour faire plus ample connaissance avec tout le monde. Nika et sa famille vivent à Tbilissi toute l'année, ils sont ici en vacances dans la maison de leur grand-père Roland. Nous en apprenons également un peu plus sur la vie locale. Malheureusement l'alcool agit rapidement et notre petit traducteur perd vite de ses capacités.
L'après-midi file à toute vitesse à rigoler, à écouter des musiques françaises et italiennes, à boire toujours plus de vin et à manger des bouts de fromage, de poisson et de jambon.
Nous apprécions beaucoup ces moments improvisés et les belles rencontres qui en découlent. C'est aussi pour cela que nous voyageons.
Jours 193 à 195 🇬🇪 - Monastère, lac et coup de chaud à Kvareli
De Lagodekhi à Kvareli, Géorgie le 15 août 2022
Après deux premières étapes géniales en Kakhétie, nous décidons de prolonger le plaisir en ajoutant un nouvel arrêt. Nous portons notre dévolu sur le village de Kvareli qui se situe à une quarantaine de kilomètres de Lagodekhi.
Nous demandons à la maman de Nika à quelle heure passe le marshrutka. Malgré la faible distance, elle nous explique qu'aucun bus ne fait la liaison aujourd'hui. Il faut faire à la place un grand détour par Telavi, ce qui triple le trajet. D'autant plus que le prochain départ n'est que dans trois heures. Plutôt que de gâcher du temps et de l'essence, nous nous lançons dans notre premier auto-stop en Géorgie.
En rejoignant la route principale, nous récupérons des morceaux de carton devant un supermarché. Sur le premier, nous écrivons le nom d'un village situé à un carrefour stratégique et sur le second, notre destination finale. Lire l'alphabet géorgien, ce n'est pas une mince affaire. Mais alors l'écrire, c'est encore plus difficile !
Nous nous installons à l'ombre à la sortie de Lagodekhi, à un endroit qui permet aux véhicules de s'arrêter facilement sur le bas-côté. Deux jeunes attendent là aussi, nous avons visiblement bien choisi notre lieu. Pékin Express n'étant pas pour aujourd'hui, nous les laissons partir en premier et attendons patiemment notre tour. Quelques véhicules passent jusqu'à ce qu'un monsieur s'arrête dans une vieille Lada. Comme attendu, il ne va pas jusqu'à notre destination qui se trouve sur une route secondaire. Il nous amène néanmoins jusqu'au croisement des routes. Après avoir vu tant de vieilles voitures géorgiennes, il était temps pour nous de monter à bord.
Le premier carton n'ayant plus aucune utilité, nous sortons le second. Malheureusement pour nous, 95% des véhicules continuent sur la route principale. Un papy et son épouse s'arrêtent finalement après une bonne demi-heure d'attente. Ils peuvent nous avancer d'une quinzaine de kilomètres, c'est toujours ça de pris ! Nous franchissons un petit col, la région est toujours aussi verte et belle. La mamie, souriante, essaye de nous parler en vain. Les signes et les sourires sont là, mais la barrière de la langue est un peu trop forte cette fois-ci. Ils nous déposent quinze minutes plus tard à un nouveau croisement au milieu de nulle part, où sont installés plusieurs stands de fruits et légumes. Nous avançons un peu sur notre route pour trouver de l'ombre.
Une camionnette bleue est en approche, Adrien tend le panneau au cas où alors que nous marchons. Elle s'arrête devant nous et fait marche arrière. Contents, nous courons jusqu'à leur niveau. Ils se rendent jusqu'à Kvareli avant de rejoindre Telavi. Chanceux, nous embarquons. Je m'installe confortablement à l'avant entre mes deux acolytes, tandis qu'Adrien monte dans le coffre avec nos sacs à dos.
Intéressés et parlant quelques mots d'anglais, ils se révèlent très enthousiastes par notre voyage sans avion et sans durée prédéfinie. Nous leur montrons notre itinéraire sur Polarsteps depuis la France. À la fois impressionnés et réalistes, ils nous expliquent qu'avec leur salaire de 350€ par mois, un tel projet serait impossible pour eux. Nos chemins se séparent une fois arrivés à la banque de Géorgie à Kvareli. Il ne nous reste plus beaucoup à marcher jusqu'à notre nouvelle chambre d'hôtes. Nous les remercions chaleureusement avant de nous remettre en route.
Nous avons rejoint Kvareli en moins de trois heures, soit avant même le départ du bus que nous aurions dû prendre depuis Lagodekhi. En bonus, nous avons rencontré des personnes très sympathiques, si bien que nous ne regrettons pas le moins du monde d'avoir choisi d'y aller en auto-stop.
Nous découvrons un joli jardin, trois chambres dans une longère et un peu plus loin la cuisine et la maison principale. Mais surtout, au fond du jardin, nous apercevons une piscine ! Elle n'était pas prévue au programme. Très contents, on déjeune rapidement avant d'y plonger.
Kvareli, Géorgie le 16 août 2022
Plusieurs choix s'offrent à nous pour aujourd'hui : un lac dont on nous a beaucoup parlé, les ruines d'une basilique perchée dans la montagne et un monastère paisible à une dizaine de kilomètres de là. Or, les trois ne sont pas réalisables en une seule journée. Nous décidons donc de nous rendre à la gare routière de Kvareli et de voir si un bus se rend au monastère de Nekressi. S'il n'y en a pas, nous changerons nos plans et marcherons jusqu'aux ruines.
Gare routière est un bien grand mot. Il s'agit surtout d'un parking assez grand pour qu'une dizaine de minibus puissent s'y garer et y faire demi-tour. Un banc ombragé, une table et un jeu de backgammon complètent le tableau.
Aucun horaire ni de prix placardés, nous donnons notre destination aux trois chauffeurs installés là :
— Nekresi Monastery?
— Da, Da!
Nous attendons un peu le temps qu'il arrive et assistons au passage à une partie endiablée de backgammon. Les chauffeurs nous font alors signe de monter. Le bus s'arrête 4 kilomètres avant l'arrivée et nous dépose à un carrefour. Il ne va pas plus loin sur notre chemin. Dommage. Si nous l'avions su, nous aurions peut-être fait autrement.
La route qui mène au monastère est assez large et rectiligne. Elle passe au milieu des champs, des vignes, des troupeaux de vaches, de cochons et de porcelets. Des cowboys gardent les bêtes du haut de leur cheval, nous ne sommes pas aux États-Unis mais c'est tout comme. Une bonne partie du trajet est à l'ombre, ce n'est pas déplaisant. Nous nous étonnons quand même de ne croiser aucun touriste en voiture.
Nous marchons jusqu'à arriver au bout de la route où se trouve une petite église, abritée derrière une enceinte. Une source coule directement à son pied, l'occasion idéale de remplir nos gourdes.
Nous entamons alors la montée d'1 kilomètre et demi vers le monastère. Cela nous prend une trentaine de minutes sous une chaleur éprouvante. Un minibus effectue régulièrement la liaison pour 3 laris, nous regrettons un peu de ne pas l'avoir attendu. L'arrivée en haut est spectaculaire. La vue sur la plaine qui nous est offerte vaut tous les efforts consentis durant la montée.
Nous entrons dans les quelques bâtiments ouverts. Maintenant qu'on s'y connait, nous arrivons à repérer l'emplacement des qvevris qui servent à stocker et à produire le vin géorgien. Ils semblent cependant abandonnés depuis longtemps au vu de l'état des poteries.
De retour dans la plaine, nous nous arrêtons pour manger notre pique-nique peu après l'entrée basse du monastère. Il nous permet d'affronter la très longue marche retour. Il n'y a en effet pas de bus pour rentrer, surtout que nous souhaitons passer par le lac. Nous atteignons facilement le carrefour où nous étions descendus. C'est là que le calvaire commence. La marche le long de la grande route est l'une des pires expériences de ce voyage en raison de la chaleur et du grand nombre de véhicules qui nous frôlent de très près. Je comprends mieux la réticence des voyageurs à vélo à emprunter des routes aussi passantes.
Nous arrivons épuisés au bord du lac et ne rêvons que d'une chose : la piscine. Entouré de montagnes, ce dernier est quand même très agréable. Nous nous motivons et revenons à la maison après environ 20 kilomètres de marche, belle performance.
Jours 195 à 197 🇬🇪 - Telavi, une petite ville aussi jolie qu'agréable
De Kvareli à Telavi, Géorgie le 17 août 2022
La veille, nous nous sommes renseigné auprès des chauffeurs afin de connaître l'heure de départ du marshrutka pour Telavi. 11h30, cela nous convient bien. Nous arrivons vers 11h et attendons. Le minibus part finalement à midi sans qu'aucune explication ne nous soit donnée, nous commençons à nous habituer à ces horaires jamais très précis. Nous arrivons à Telavi en tout début d'après-midi et descendons avec d'autres passagers au gré d'un arrêt à un feu rouge. Ce raccourci nous permet d'éviter une partie de la montée, ce qui n'est pas négligeable.
Nos premiers pas sont assez chaotiques. Les rues sont poussiéreuses et de nombreux étals sont installés à même le trottoir. Nous nous rendons vite compte que nous venons de débarquer en plein milieu du marché. De l'autre côté de la route, nous achetons un lobiani. Avant de le manger, il nous faut d'abord rejoindre notre maison d'hôtes quelques rues plus haut.
Nous passerons les deux prochaines nuits dans la maison de Tamari. Typiquement géorgienne, elle se situe au fond d'une ruelle partagée avec les voisins. L'intérieur est plein de charme entre parquet, tableaux et fauteuils à l'ancienne.
Comme à notre habitude, nous passons les heures chaudes à l'ombre et ne ressortons que le soir venu. Nous nous arrêtons au pied d'un arbre géant. Âgé de 900 ans, il mesure 45 mètres de haut pour 12,4 mètres de circonférence. Une certaine forme de prestance et de sérénité s'en dégage. Le soleil se couche doucemement, il est temps de dîner.
La plupart des restaurants du centre ont des critiques assez moyennes. Elles mentionnent notamment des prix plus chers pour les touristes, ce que nous détestons. L'un d'entre eux, la brasserie Hofbrau, sort du lot. Si le nom sonne allemand, c'est tout à fait normal. Il se trouve que la brasserie est en fait une franchise internationale, mais après tout pourquoi pas. D'autant plus que le menu est majoritairement géorgien. La soupe de veau est délicieuse, tout comme les khinkalis.
Telavi, Géorgie le 18 août 2022
Il fait toujours aussi beau en Géorgie et on peut dire que la chaleur n'a pas beaucoup diminué. Une petite brise bienvenue permet néanmoins de rendre nos sorties moins difficiles.
Telavi, forte de ses 20 000 habitants est la plus grande ville de Kakhétie. Bâtie sur quatre collines, la ville a tout pour nous charmer, à commencer par sa vue panoramique sur la chaîne du Grand Caucase et la plaine d'Alazani. Son histoire est assez ancienne puisque les premières traces d'habitation datent de l'âge de Bronze (entre 3000 et 1000 avant JC). La ville est marquée par le règne du roi Héraclius II (Erekle II en géorgien) à la fin du XVIIIème siècle. Il fit de sa ville natale le centre stratégique et culturel du pays.
Nous consacrons la journée à explorer la ville. Nous visitons d'abord la forteresse de Batonis qui se situe non loin de chez Tamari. Nous repérons de loin ses tours parfaitement rondes, disposées tout du long de son mur d'enceinte.
Elle fut bâtie en 1745 et bien que l'extérieur soit particulièrement bien préservé, l'intérieur est un peu décevant. Seuls la chapelle et le palais du roi sont encore debout. Le style persan de ce dernier nous étonne. Cela nous rappelle que nous ne sommes pas si loin de l'Iran et que certaines routes de la soie passaient dans la région.
De manière générale, le centre-ville de Telavi est très joli, bien aidé par ses rues pavées et ses maisons d'un étage aux balcons filants en bois. De nombreuses voitures d'époque sont garées çà et là, ce qui ajoute à son charme. Cependant, l'accès aux jardins est souvent clos et caché à nos yeux par de belles portes en bois. Nous supposons qu'ils sont à l'image de la ville, colorés et verdoyants.
Le soir approchant, nous nous rendons dans un parc prisé des habitants de la ville. Enfants et parents sont dehors et s'amusent. Tous les moyens de transport sont présents, des trotinettes aux rollers, sans oublier les hoverboard rétro-illuminés. Le glacier est de sortie et une petite fête forraine a été aménagée. Nous craquons pour deux très bonnes glaces à l'italienne vanille et chocolat. Et oui, même Clémence s'est laissé tenter.
De Telavi à Tbilissi, Géorgie le 19 août 2022
Ces quelques jours en Kakhétie nous ont montré une nouvelle facette du pays, plus joviale et authentique. Nous nous souviendrons longtemps de cette région, de sa nature omniprésente, de ses moustiques plutôt coriaces, de son bon vin et surtout de la gentillesse des personnes rencontrées en chemin.
C'est donc le coeur léger que nous prenons place dans le marshrutka pour Tbilissi. De nouvelles aventures nous attendent. Pour l'heure, nous souhaitons mettre en pause notre voyage itinérant afin de passer plusieurs jours au sein du Gipsy village.
Ils sont en recherche de volontaires afin de les aider à construire un éco-camping communautaire, dans un ancien village allemand nommé Assouréti (anciennement Elisabethal). Cela fait quelques jours que nous sommes en contact avec Anna et Nikita sur la plateforme Workaway et ils viennent tout juste de nous dire que deux places sont libres.
Nous ne savons pas exactement à quoi nous attendre, mais nous trouvons qu'il s'agit là d'une belle opportunité de nous ressourcer et de préparer la suite du voyage.
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Merci d'avoir lu jusqu'au bout ❤️
Après six mois de voyage, nous posons enfin nos sacs à dos. Nous prenons la direction d'Assouréti pour y effectuer notre premier volontariat. Nouveau rythme, nouveaux copains, à nous la récolte des tomates 🍅 et les soirées autour du feu 🔥.
Plus qu'un blog voyage, nous partageons nos péripéties au fur et à mesure de notre aventure comme on les vit, avec passion et sincérité. Si tu veux nous adresser quelques mots, tu peux nous contacter sur nos pages Instagram : Clémence et Adrien.